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Revenir au sujet, selon ma perception à 12h45 un vendredi, ce serait de se demander, déjà, qui peut vouloir et pouvoir une évolution : auteur, éditeur, lecteur ?
S'il n'y a pas les trois, rien ne changera.

Et donc, évoluer comment, dans quelle direction, à quel rythme ?
Si c'est pour dire que la fantasy pourrait/devrait se faire l'écho de la société du 21°, je dis que c'est une idée.
Mais pas une nécessité : car si tout doit suivre un nouveau code alors que la fantasy est le genre du possible, surtout celui qui est différent.
Les paradigmes de notre quotidien ne sont qu'une option pour un auteur, et s'il s'y tient trop, est-ce encore de la fantasy ?
(Et j'arrête là, j'ai un creux).

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J'ai toujours envie de croire qu'il s'agit d'une façon de s'exprimer maladroite, qu'il y a un réel désir de savoir, de comprendre.
Je crois que la démonstration de Tybalt est assez éclairante.
À force de naïveté il me poussera des ailes de pigeon.

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Gillossen, ma remarque ne s'adressait pas à toi, j'avais bien compris ton message et je ne me sentais pas visé; mais merci d'avoir pris le temps de le préciser.
Je n'ai aucun intérêt particulier pour la politique politicienne, pas d'engagement; j'ai par contre un réel goût pour la métapolitique, les mouvements d'idées, et c'est dans cette perspective que j'envisage de questionner l'évolution de la fantasy. Evidemment, comme chacun, j'ai une sensibilité politique, bien moins arrêtée qu'on peut vouloir le croire.
Si vous estimez que le thème "woke" est trop connoté pour être sérieusement et sereinement appréhendé, soit. Je ne vais pas insister, même si j'ai l'impression qu'il déborde le seul champ de la polémique et de la politique, et s'inscrit sur un plan culturel intéressant. ;)

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Anne Besson semble apporter en creux un réponse au titre de ce sujet assez originale et intéressante. Quand elle dit
Contrairement à la littérature réaliste, qui évolue dans un périmètre restreint, les littératures de l'imaginaire sont de vaste ampleur et peuvent embrasser, par exemple, des récits épiques, des récits de collectif, des récitsde rebellio, voire des fin du monde.

, je ne vois pas en quoi les exemples donnés seraient des éléments par essence inaccessibles à littérature réaliste. Du coup si ils ne sont pas plus représentés dans celle-ci, c'est plus que c'est elle qui par choix s'est restreinte de les traiter.

J'ai un peu peur de caricaturer, vu que je ne suis pas un consommateur régulier de "blanche", mais j'ai un peu l'impression qu'elleest verrouillée par une forme d'élitisme qui agit comme un carcan. Juste en France avec la rentrée littéraire, on a une centaine de romans qui sortent, et les rares qui auront un succès public seront ceux qui auront les grandes récompenses prestigieuses. Donc de l'extérieur, ça finit par se ressembler un peu. Et vu le peu de renouvellement des grandes figures médiatiques (maison d'édition, émissions culturelles et leurs invités) et leur inertie à accepter des genres "inférieurs" c'est pas étonnant que des jeunes qui ont été biberonnés à l'imaginaire cherchent la complexité dans ces mêmes genres en étant adultes- et donc une "évolution" du genre même si des romans complexes sont présents depuis longtemps- plutôt que de vouloir jouer ce jeu légitimiste.

C'est sûrement différent ailleurs, et je dois tout aussi sûrement proférer un certain nombre de bêtises, mais je serais ravi d'être plus éclairé là dessus.

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Mhm, il y a sûrement en effet une envie des lecteurs et lectrices de fantasy de faire évoluer avec eux leur genre préféré à mesure qu'ils deviennent adultes et se lassent de revoir toujours la même chose en fantasy.

Cependant, je vois un hic : si ce que tu décris au sujet de la littérature réaliste (importance des prix, médias, etc.) est une forme d'élitisme, elle opère exactement de la même façon dans les littératures de l'imaginaire en France. Mêmes phénomènes de concentration des ventes autour de quelques "pointures" bien installées ou de séries ou franchises (de Tolkien et du Trône de fer à Jaworski, chacun à son échelle). Même incidence des prix les plus connus sur les ventes, il me semble. Et je ne suis pas sûr de voir un renouvellement de fou en fantasy dans les figures médiatiques par rapport à la littérature réaliste.

Pour ma part, je suis plutôt d'accord avec Anne Besson : s'affranchir du réel et de son imitation ouvre des portes à une infinité de possibilités que, par principe, la littérature réaliste restreint fortement. Le Silmarillion est impossible à raconter dans une littérature qui se contente d'imiter le réel. Les descriptions vertigineuses de L'Histoire sans fin sur les bouleversements en cours au Pays Fantastique aussi.

En revanche, la fantasy est corsetée par des codes et par les attentes du public actuel, comme toute littérature, et elle n'évolue pas tant que les goûts du public n'acceptent pas cette évolution en adoptant et en récompensant des œuvres novatrices, comme toute littérature. Ça, c'est un point commun avec la littérature réaliste, mais aussi le théâtre et la poésie.

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Question : est-ce la fantasy qui doit évoluer, ou plutôt le regard qu'on y porte ? Vous pointez du doigt que l'on se représente la littérature banche ou la fantasy en fonction de celles qui sont le plus visibles, le splus promues par des prix.

Par ailleurs, le nombre important de sorties est-elle un avantage pour l'évolution de la fantasy, en proposant potentiellement un plus grande diversité de propositions littéraires ? ou en frein, dans la mesure où face à un très grand nombre de choix de livres, les lecteurs sont d'autant plus motivés pour trouver des moyens de séléectionner les oeuvres à lire et donc de se réferer à des prix et concours ?

Re: Faire évoluer la fantasy ? -est-ce seulement possible- ?

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La fatigue n'y est sans doute pour rien, ma formulation elle demande en effet explicitation : si l'on peine à trouver une définition de la fantasy avec les évolutions diverses dans l'édition (qui peuvent justement entrainer débats et incertitudes), n'est-ce pas le signe d'un changement de paradigme ? Ne faut-il pas, plutôt que de définir des entrées spécifiques, imaginer encore une autre dénomination pour une forme littéraire autre ? Je sais que le genre n'est pas monolithique, mais lorsque des déplacements se font plus manifestes il n'est pas déraisonnable de s'interroger sur la dénomination. J'espère que mon interrogation n'est pas trop byzantine, le sujet porte sur l'évolution de la fantasy, et j'aimerai savoir à partir de quand il y a un effet de seuil, ou pour le dire trivialement, quand une poule ne reconnaitrait plus son poussin.

Re: Faire évoluer la fantasy ? -est-ce seulement possible- ?

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Nakor a écrit : mar. 5 déc. 2023 00:15 Une autre question pourrait aussi émerger, si l'on peine à définir le substrat et la finalité de la Fantasy : faut-il la dépasser pour autre chose ? N'est-elle pas une forme particulière, propre à une époque, qu'il faudrait déborder ?
Redéfinir pour qui ?
Dans la (grosse) niche du lectorat régulier de Fantasy, le terme n’est jamais utilisé seul.

Il est soit associé à un qualificatif sensé résumé l’ambiance ou les émotions principales (« dark » - « Cosy » - « Romance » - etc…), le point de vue (« Epic » ; « heroic ») ou la base historique/géographique (médieval – urbaine – renaissance - etc…)

C’est plus ou moins de conventions tacites entre le rangement/promotion des éditeurs et les zones de connaissances du lectorat.

Pour ce qui est du grand public, le terme est très clair et très bien compris.
C’est juste qu’il n’est pas autant consommateur en littérature que la réputation trans-médiatique de la Fantasy ne le fait croire.

Re: Faire évoluer la fantasy ? -est-ce seulement possible- ?

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J'espère ne pas trop m'éloigner du sujet du topic, je n'en ai pas trouvé de plus spécifiques. Il s'agit ici de s'interroger sur les raisons de l'émergence de la fantasy.

Sylvain Tesson défend* (au passage d'un entretien presse) une thèse stimulante, et contestable, sur Tolkien et l’attrait pour la fantasy, tout en reconnaissant qu’il n’y connaît pas grand-chose : finalement Tolkien ne s’émerveille pas assez sur le donné, sur la source de la nature qui se donne à nous, et y ajoute des éléments surnaturels qui ne sont pas nécessaires. Tout se passe comme si la littérature de genre devenait indispensable après le désenchantement du monde alors qu’elle n’est que le symptôme d’une perte, d’une incapacité à voir le merveilleux. Grand débat, car est-ce le monde qui devient impropre au merveilleux ou notre regard qui s’est perdu ?
C'est une interrogation/objection que je n'avais pas imaginé, et qui si elle n'enlève rien à mon attachement pour l'imaginaire, suscite bien des réflexions sur notre époque et sa littérature.
Et l'on pourrait y adjoindre une critique : le genre n'est-il pas "l'opium du peuple", posant un diagnostique assez lucide mais empêchant une réelle transformation du monde ?

Pour les curieux et en espérant n'avoir pas mal résumé sa courte intervention : * source : "Notre époque a-t-elle banni le merveilleux ? La réponse de Sylvain Tesson (Le figaro)" de 30 min à 32 min).

Re: Faire évoluer la fantasy ? -est-ce seulement possible- ?

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J'ai juste regardé le passage en question et, sans doute, qu'il vaut mieux regarder l’entièreté de la vidéo pour éviter de répondre à côté à ta question Nakor.

Néanmoins, car je pensais dans un premier temps mettre un lien direct vers la vidéo, le simple fait de regarder ces deux minutes a envahi mes suggestions youtube de vidéos / reportages avec des présentateurs clairement à l’extrême droite et sur des sujets qui ne sont vraiment pas ceux que je suis d'habitude. Donc à bon entendeur... Encore une démonstration de comment l’algorithme youtube cherche à vous tenir captif en vous refourguant des vidéos polémiques...

Re: Faire évoluer la fantasy ? -est-ce seulement possible- ?

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Sylvain Tesson défend* (au passage d'un entretien presse) une thèse stimulante, et contestable, sur Tolkien et l’attrait pour la fantasy, tout en reconnaissant qu’il n’y connaît pas grand-chose : finalement Tolkien ne s’émerveille pas assez sur le donné, sur la source de la nature qui se donne à nous, et y ajoute des éléments surnaturels qui ne sont pas nécessaires.
pas eu le temps de voir la vidéo, mais sur cette simple phrase, j'ai un mot à préciser.

Admettre mal connaître Tolkien, c'est relativement honnête si c'est vrai, et ça explique probablement la ligne suivante.
Tolkien, dans son essai "on fairy stories" précise de manière on ne peut plus clair ce qu'il comprend et conçoit comme les caractéristiques et qualités de la fantasy ; au nombre de celle-ci, redécouvrir une vue claire sur le monde qui nous entoure, réussir à retrouver de l'enchantement dans ce quotidien que l'homme pressé ne fait que traverser.

Si le lecteur pressé n'aime pas les lents et longs passages descriptifs des arbres, pour Tolkien, chaque feuille est une histoire, chaque branche et chaque racine un lien vers un autre morceau d'univers (les fans de Doctor Who repenseront aux anneaux d'Akhaten et au pouvoir d'une feuille d'arbre).

Pas besoin de surnaturel chez lui (c'est d'ailleurs un comble comme reproche quand on connait son utilisation abusive de la magie pour masquer le naturel)*.

Donc, je n'irai pas plus loin sans avoir pris le temps de recueillir plus d'arguments sur l'entretien et les propos tenus in extenso, mais défendre une thèse si bancale, c'est presque un appât pour se faire lapider à coup de cerises à la crème.

*Ceci est un sarcasme.

Re: Faire évoluer la fantasy ? -est-ce seulement possible- ?

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J'ai vraiment proposé cette thèse contestable contre mes propres affinités avec le genre, et je ne peux que comprendre les objections qu'elle pourra élever ici.
Je ne sais pas si l'endroit est approprié, mais il y a une série sur Arte intéressante :
https://www.arte.tv/fr/videos/RC-023182 ... a-fantasy/
Ainsi qu'une vidéo en complément sous un angle un peu architectural qui apporte je crois un peu d'eau au moulin :