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Merci beaucoup Mélanie !

Voici deux questions que je me posais, et sur lesquelles je serais très intéressée d'avoir vos regards éclairés :)


Ecrire de beaux sentiments… sans tomber dans les bons sentiments

Comment concilier des relations entre personnages qui soient saines, belles, sincères, avec la tension et le conflit inhérents à la fiction ?
Autrement dit, comment écrire de belles relations qui ne soient pas niaises et dégoulinantes de bons sentiments ?
Encore autrement dit, comment écrire du conflit sans tomber systématiquement dans la cruauté et la violence ?
(Je pense par exemple aux obstacles externes, mais j’imagine qu’il y a plein d’autres moyens !)


Quelle place pour l’inconscient dans l’écriture ?

Vous avez déjà parlé des rêves, mais je ne pense pas tout à fait au même sujet ;)
Je pense à ces moments où on est totalement *mindblown* parce qu’on se rend compte que notre inconscient a placé ici et là des indices, des éléments dans le scénario ou dans le premier jet qui se révèlent liés et cohérents, presque évidents, alors qu’on n’a absolument pas fait exprès de les mettre là.
Est-ce que ça vous arrive souvent ? Dans quelle mesure est-ce que vous comptez sur votre subconscient pour effectuer une partie du boulot ? Est-ce que vous avez l’impression que c’est quelque chose qui se développe à mesure que vous prenez de l’expérience, ou est-ce que vous êtes au contraire de plus en plus conscients de tout ce que vous intégrez dans vos récits ?

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Sujet très intéressant (je sais, comme d'habitude !) et je me retrouve assez dans la position de Lionel, notamment dans ce que je mets de moi dans certains personnages plus que d'autres.
Je ne crois pas m'être jamais vraiment censuré jusqu'à maintenant... ce qui ne veut pas dire que je n'ai pas certaines appréhensions : je me souviens de la période précédant la sortie de L'Empire du Léopard, donc mon premier roman chez Critic, qui ne lésine pas sur l'hémoglobine on va dire, avec plusieurs scènes qui pourraient sans doute être classées en horreur... Détestant le voyeurisme, c'était ma crainte n°1, qu'on m'imagine "complaisant" avec la violence.

Je me suis toutefois posé la question en abordant les parutions "Jeunesse". J'ai l'impression que c'est parfois un univers TRES codifié et que dès qu'on veut sortir un peu des clous... c'est s'exposer à des retours plus mitigés parce qu'on a "étonné" les gens. La tentation étant donc de vouloir rester dans les limites imposées (par qui ?).

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Merci pour ce podcast très intéressant ! Pour ma part j'ai appris à lire... quand j'ai commencé à écrire. Je m'explique. C'est en écrivant que je me suis rendu compte de la pauvreté de mon langage. Dans le langage courant, en effet, on n'utilise finalement que très peu de mots (environ 500, paraît-il) - et la réduction du langage peut hélas entraîner un appauvrissement proportionnel des émotions et de l'expérience. Lorsque j'écris, je me heurte constamment aux limites de mon vocabulaire -- soit que je n'aie pas les mots pour traduire une vision, soit que des mots reviennent trop souvent sous ma plume, au point qu'ils en deviennent suspects. C'est pour pallier cette pauvreté que je me suis tourné à nouveau vers la lecture. Concrètement, lorsque mes personnages traversaient un paysage de montagne, j'ai lu Roger Frison-Roche (Premier de Cordée), lorsqu'ils s'arrêtaient dans une grande métropole en proie à de violents mouvements sociaux, j'ai lu Victor Hugo (les Misérables), lorsqu'une épidémie sévissait autour d'eux, j'ai repris La Peste, de Camus, sur mes étagères poussiéreuses... Bref, j'ai découvert que tous ces auteurs sont non seulement des guides qui nous font faire des voyages extraordinaires, mais ils sont aussi des maîtres qui nous apprennent la richesse de notre langue et qui, en nous apprenant des mots nouveaux, nous aident à ouvrir toute grande la porte du langage pour y faire entrer le réel dans toute sa compléxité et dans toute sa richesse ! Il n'est jamais trop tard pour retourner à l'école !

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Tout à fait (et bienvenue, au passage) :) Comme disait l'autre, Nomina si nescis, perit cognitio rerum : si tu ignores le nom des choses, leur connaissance même disparaît. (Je ne la connais pas depuis très longtemps, celle-là, mais elle me parait tellement juste ! Et elle s'applique aussi bien à l'écriture qu'aux sciences.) D'où l'importance d'enrichir constamment son vocabulaire.

Je n'ai pas tout à fait rattrapé tout mon retard sur les derniers épisodes, mais c'est toujours aussi bien :)Sur la question de lire pendant qu'on écrit, autant j'avais cette peur il y a quelques années, autant elle a disparu maintenant. Le fait d'écrire sur des sujets variés et d'apprendre à maîtriser mon style et à traquer mes tics a contribué à me rassurer.

Pour ce qui est de la capacité à garder une lecture naïve malgré le travail d'écriture, je me la suis posée de longue date, mais sous un angle légèrement différent, au moment de m'engager dans des études littéraires. Est-ce qu'étudier un texte ou une oeuvre lui ôte sa magie ? Non. Contrairement à ce que le verbe "disséquer" peut laisser croire, quand on analyse un texte, on ne le tue pas : on peut le démonter autant qu'on veut, si la machine est bien faite, quand on remet tout en place, elle fonctionne encore ! Et même encore mieux, souvent, parce qu'on n'en apprécie que davantage le travail des auteurs et des autrices.

Je ne m'attendais pas, d'ailleurs, à ce que l'approche d'une oeuvre en termes d'analyse littéraire et l'approche que je peux en avoir maintenant en tant que lecteur qui écrit, quand j'envisage le texte du point de vue de sa démarche d'écriture, soient deux démarches aussi différentes et complémentaires. Déjà qu'il y a toutes sortes de façons possibles d'étudier un texte selon les courants des études littéraires... C'est vraiment un très vaste domaine, d'ailleurs trop peu vulgarisé auprès du grand public.

Dans la série des propositions de thèmes pour de futurs épisodes : autrement dit comment raccourcir quand le manuscrit est trop long (ou allonger quand il est trop court), sans que ça ne tourne au lit de Procuste :D

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Tybalt a écrit :Dans la série des propositions de thèmes pour de futurs épisodes : autrement dit comment raccourcir quand le manuscrit est trop long (ou allonger quand il est trop court), sans que ça ne tourne au lit de Procuste :D

Ah, la, la, je trouve les deux pareillement difficiles ! :)

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Je viens de commencer à écouter (j'ai écouté tous les podcasts d'Elbakin avant, c'est long).
J'aime bcp le concept, le format et vous êtes très intéressants tous les trois. On sent aussi du dynamisme chez vous c'est cool.
Par contre, 6 saisons d'une dizaine, douzaine de podcasts à télécharger, c'est long. Il n'y a pas moyen de télécharger en groupe ou l'intégralité d'une saison ?
Expert ès calamités
"Nous adorons tous les histoires. Nous vivons pour elles" Comme un diamant dans ma mémoire GG Kay

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terriblius69 a écrit :J'aime bcp le concept, le format et vous êtes très intéressants tous les trois. On sent aussi du dynamisme chez vous c'est cool.
Par contre, 6 saisons d'une dizaine, douzaine de podcasts à télécharger, c'est long. Il n'y a pas moyen de télécharger en groupe ou l'intégralité d'une saison ?

Merci beaucoup !
Pour faciliter l'écoute, il y a des playlists par saison sur SoundCloud : https://soundcloud.com/elbakin-net/sets/procrastination
Pour faire plus évolué, il nous faudrait un site ou portail dédié, on finira probablement par y venir !

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J'avais trouvé mais il faut avoir une connexion pour écouter et le plus souvent, j'écoute quand je suis en vadrouille ou en travaillant dans les vignes. Ce n'est pas grave, je les téléchargerai. C'était juste au cas où. Et merci pour la rapidité de la réponse ! Bon courage pour la suite !
Expert ès calamités
"Nous adorons tous les histoires. Nous vivons pour elles" Comme un diamant dans ma mémoire GG Kay

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Soundcloud permet une écoute hors ligne, mais je crois qu'il faut l'abonnement, ce qui n'est pas le plus pratique, et on ne va pas préjuger non plus que vous allez acheter un abonnement rien que pour Procrastination… (comment ça, vous n'allez pas acheter un abonnement rien que pour Procrastination ? ????)
Je garde ça dans un coin de ma tête pour de possibles développements…
Merci ! ????

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Parfois un peu décrié, est-ce un procédé facile ou une technique de narration puissante ? (Vous connaissez déjà la réponse : les deux.)

Eh oui, c'est comme le cholestérol, il y en a du bon et du moins bon (et on a tendance à s'appesantir sur ce dernier au détriment de l'autre :)). Globalement, je suis d'accord avec tout ce que vous avez dit. Merci à vous trois pour votre émission largement plus suivie que les retours ici le laissent supposer. :)

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Kik a écrit :Eh oui, c'est comme le cholestérol, il y en a du bon et du moins bon (et on a tendance à s'appesantir sur ce dernier au détriment de l'autre :)). Globalement, je suis d'accord avec tout ce que vous avez dit. Merci à vous trois pour votre émission largement plus suivie que les retours ici le laissent supposer. :)

Merci beaucoup ! N'hésitez pas d'ailleurs à nous faire des retours sur les épisodes, ça nous intéresse toujours de savoir ils sont reçus, quels thèmes ont intéressé les poditeurs et ce genre de choses !

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Je me pose beaucoup de questions sur le style en ce moment, alors j'ai réécouté l'épisode 16 de la saison 2. Il m'a vraiment aidée à prolonger mes réflexions, à verbaliser certaines intuitions.

Quelques extraits éclairants de l'épisode, pour ceux que ça intéresserait :



"Le style, c'est ce qui reste quand on cesse de penser à faire du style. C'est le résultat des techniques et figures que l'on retient par rapport à celles qu'on a filtrées avec les années."

"Le style, c'est peut-être ce qui émerge quand on sort de la phase d'apprentissage. Quand on n'est plus entravé par "j'essaie d'écrire à la manière de" et "j'essaie de comprendre comment fonctionnent les outils". Il me semble que là, il y a quelque chose de personnel qui émerge."

"A un moment donné, je vais écrire une phrase qui sonne juste à mes oreilles. Je sens que les mots doivent être agencés de cette manière parce que ça marche comme ça, et ce sera pas nécessairement vrai pour le voisin. Je m'aperçois que le style, c'est ma manière d'entendre les mots qui coulent entre eux et qui s'assemblent."

"Il y a un flot narratif qu'il faut essayer d'avoir tout au long d'un roman ou d'une nouvelle, et il y a aussi un flot esthétique. Et je crois que le flot esthétique c'est le style, justement. Le flot narratif, c'est : qu'est-ce qui sonne le mieux dans l'histoire ? Et le flot esthétique, c'est : qu'est-ce qui sonne le mieux dans le style ?"

"Il y a effectivement cette musique qui est presque visuelle. La manière dont les mots sont agencés sur la page, la ponctuation aussi, sont des choses qui font qu'au bout d'un moment, quand on développe sa sensibilité, on amène à la conscience cette impression de justesse. Ca se voit juste sur la page, ça sonne juste à l'oreille. Et cette puissante conscience esthétique, qui est presque viscérale, c'est ce qui définit le style."



(Tout ça pour dire : merci, vos épisodes continuent de m'aider même des années après leur diffusion :))