Avez-vous aimé les Furtifs ?

Oui
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Non
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1
Ouverture du sujet dans cette section, puisque c'est un roman de SF/Anticipation. :)

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Ils sont là parmi nous, jamais où tu regardes, à circuler dans les angles morts de la vision humaine. On les appelle les furtifs. Des fantômes ? Plutôt l’exact inverse : des êtres de chair et de sons, à la vitalité hors norme, qui métabolisent dans leur trajet aussi bien pierre, déchet, animal ou plante pour alimenter leurs métamorphoses incessantes.

Lorca Varèse, sociologue pour communes autogérées, et sa femme Sahar, proferrante dans la rue pour les enfants que l’éducation nationale, en faillite, a abandonnés, ont vu leur couple brisé par la disparition de leur fille unique de quatre ans, Tishka – volatilisée un matin, inexplicablement. Sahar ne parvient pas à faire son deuil alors que Lorca, convaincu que sa fille est partie avec les furtifs, intègre une unité clandestine de l’armée chargée de chasser ces animaux extraordinaires. Là, il va découvrir que ceux-ci naissent d’une mélodie fondamentale, le frisson, et ne peuvent être vus sans être aussitôt pétrifiés. Peu à peu il apprendra à apprivoiser leur puissance de vie et, ainsi, à la faire sienne.

Les Furtifs vous plonge dans un futur proche et fluide où le technococon a affiné ses prises sur nos existences. Une bague interface nos rapports au monde en offrant à chaque individu son alter ego numérique, sous forme d’IA personnalisée, où viennent se concentrer nos besoins vampirisés d’écoute et d’échanges. Partout où cela s’avérait rentable, les villes ont été rachetées par des multinationales pour être gérées en zones standard, premium et privilège selon le forfait citoyen dont vous vous acquittez. La bague au doigt, vous êtes tout à fait libres et parfaitement tracés, soumis au régime d’auto-aliénation consentant propre au raffinement du capitalisme cognitif.

2
Autant le côté Furtifs du récit m'attire beaucoup, autant le trip anti-technocapitalisme, qui semble être une constante de Damasio depuis quelque temps, me refroidit beaucoup. Je me demande vraiment si je vais le mettre sur ma PAL.

3
régime d’auto-aliénation consentant propre au raffinement du capitalisme cognitif

Je suis peut être mauvaise langue, et si ça se trouve le concept est expliqué en détail dans le bouquin, mais j'ai vraiment l'impression que l'auteur a collé des mots côte à côte sans réfléchir, et en espérant que le lecteur leur invente une signification.

Tel quel ça me fait penser à une imitation du vocabulaire de 1984, mais sans finesse ni recherche.

4
Après on aime ou pas mais j'ai trouvé son entretien chez Médiapart (c'est pas un hasard :D ) hors passage de brosse à reluire envers le média en question (dont je ne suis pas fan mais c'est un autre débat) vachement intéressant. Y'en a pour une heure de vidéo mais j'ai bien aimé sa façon d'expliquer sa vision des choses, sans pour autant tout partager.
Si l'enfer est ici alors autant s'en faire, si l'enfer est ici alors autant s'en faire, s'en faire un paradis. --- Shaka Ponk

6
Ah, cruel dilemme. J'avais adoré "La Horde", bien aimé "La Zone", mais le recueil "Aucun souvenir assez solides" ne m'a pas transcendé, à mon grand désarroi. Je compte attendre un peu avant de me laisser tenter, le résumé ne m'attire pas plus que ça, à priori.

8
Grosse... déception de mon côté. Damasio prend certes soin de travailler la langue, mais c'est assez vain voire pénible à lire (pour certains personnages). Partageant pourtant un nombre certain de ses regards critiques sur le monde tel qu'il se dessine, j'ai toutefois été bien chagriné par son militantisme qui vire franchement au simplisme. Ses prises de positions se bornent à enregistrer les mantras du politiquement correct, quel irénisme au fond. On a donc là un roman qui s'adresse clairement politiquement à un certain lectorat (faut clairement pas être de droite, alors qu'il faudrait peut-être revenir sur ce clivage artificiel...) et qui prend donc le risque de ronronner gentiment pour les convertis sans jamais installer véritablement un pas de côté, de la pensée. On ressent ce sectarisme en puissance au peu d'humour présent (à moins qu'il n'ait pas fait mouche pour moi). Cerise sur le gâteau : il est sinon contradictoire, du moins très piquant, de prôner (comme philosophie/sagesse de fond) l'ouverture à l'autre tout en étant aussi fermé aux pensées adverses. Bien regrettable. Pardonnez ma lecture politisante mais il est difficile de passer outre le sous-texte idéologique (intéressant sans doute, sociologiquement, pour situer l'auteur).
Reste quelques réflexions sur l'interface, les médias, parfois stimulantes, mais rien de bien révolutionnaire (Damasio semble s'être arrêté à ses philosophes fétiches, on peine à voir des inflexions). Réflexions qui n'épousent pas bien d'ailleurs le récit (on sent l'hésitation entre l'essai et le roman, il peine à convaincre sur ce plan), un récit au final bien peu dense et qui risque d'en laisser plus d'un amer (comme je le suis).

9
Il faudrait que je me procure ce roman. J'étais pas très emballé au début vu que j'aime pas trop la Horde du Contrevent (je me suis arrêté avant la fin, et pourtant j'ai poussé) Mais là ça à l'air d'être un roman très différent et vu qu'il à l'air de titiller un peu les droitards... :yeah: Bon je rigole :sifflote:
mais j'avoue quand même que ma curiosité à un peu grimpé.
En plus Les Furtifs ont de bons retours ailleurs mais la Horde aussi alors bon...

10
J'ai alors réussi à en faire la promotion :D ! Et je ne doute pas qu'il recevra de bons voire très bons retours. La limite étant qu'il risque de plaire mais pas tant de bousculer. Il a l'avantage d'être politiquement du "bon" côté, on va moins lui tomber dessus qu'un Dantec ou qu'un Simmons (à qui, pour être juste, je reproche également un certain enfermement idéologique dans certains romans). Alors que Damasio est (dans ce dernier roman) tout autant voire plus idéologisé/politisé. Hâte de voir d'autres retours !

12
Si tu as déjà pas du tout aimé la Horde, à moins d'aimer tous les jours te fouetter avec des orties en regardant Cyril Hanouna, tu peux totalement éviter.

Et je rejoins Nakor, c'est une des choses que je mettrais en exergue dans ma critique, si vous n'êtes pas d'extrême-gauche, la lecture va être longue...et je parle même pas du reste. Enfin, pas encore.

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Je suis un peu étonné de lire ici des remarques du genre "Damasio est politiquement correct" ou "la droite et la gauche sont un clivage artificiel", qui relèvent purement de la discussion politique. Si on discute de politique franco-française ici (désolé pour les gens des autres pays francophones), il est juste que je puisse aussi donner mon avis, qui est que les idées de gauche en ce moment en France ne sont vraiment pas spécialement le "bon côté" - en tout cas ce n'est pas chez les gens d'extrême-droite qu'on perquisitionne, ni sur eux qu'on tape dans les manifs, ni leurs ZAD qu'on va démanteler, ni leurs idées qui sont marginalisées dans les médias de masse. Quant au clivage droite/gauche, il n'a jamais été moins artificiel qu'en ce moment, n'en déplaise au discours de campagne du président actuel.

Pour en revenir au livre lui-même, je suis très heureux qu'un auteur de la trempe de Damasio s'essaie à la littérature engagée avec un roman (et plus seulement avec des nouvelles comme il l'avait fait auparavant). C'est bien beau de le critiquer pour son simplisme, mais ce serait bon de rappeler qu'écrire un bouquin sur l'actualité politique immédiate est extrêmement difficile et que Damasio a au moins le courage d'essayer là où pas mal d'autres auteurs se contentent d'un commentaire très (très) lointain sur la réalité actuelle. On a de la chance d'avoir des écrivains comme ça en France.

Avec ça, c'est aussi un auteur qui n'a pas peur des expérimentations formelles et qui le montre texte après texte. Là encore, que ce soit réussi ou raté, il est juste de saluer l'originalité de la démarche. Même une tentative ratée de Damasio serait plus intéressante que bien des "réussites" très sages dans le champ de la SF actuelle !

14
Tybalt a écrit :Pour en revenir au livre lui-même, je suis très heureux qu'un auteur de la trempe de Damasio s'essaie à la littérature engagée avec un roman (et plus seulement avec des nouvelles comme il l'avait fait auparavant). C'est bien beau de le critiquer pour son simplisme, mais ce serait bon de rappeler qu'écrire un bouquin sur l'actualité politique immédiate est extrêmement difficile et que Damasio a au moins le courage d'essayer là où pas mal d'autres auteurs se contentent d'un commentaire très (très) lointain sur la réalité actuelle. On a de la chance d'avoir des écrivains comme ça en France.

Avec ça, c'est aussi un auteur qui n'a pas peur des expérimentations formelles et qui le montre texte après texte. Là encore, que ce soit réussi ou raté, il est juste de saluer l'originalité de la démarche. Même une tentative ratée de Damasio serait plus intéressante que bien des "réussites" très sages dans le champ de la SF actuelle !

Damasio a déjà fait ça y'a un bail avec La Zone du Dehors, son premier roman, ça commence à faire réchauffer, surtout quand il recycle ses propres idées sans aucunes subtilités et qu'il copie-colle des personnages.
Dans l'absolu, défendre de façon acharnée ses convictions politiques est une force pour un écrit, encore faut-il avoir la subtilité nécessaire, ce qui est loin d'être le cas de Damasio qui en fait ici très souvent un manifeste politique sans nuance aucune.
Ensuite, difficile de glorifier Damasio qui reproduit formellement ici un décalque de la Horde en plus mauvais et beaucoup moins justifiable. Certes, comme tu dis, la tentative ratée vaut mieux que pas de tentative du tout...mais ça n'en reste pas moins raté (là où j'en suis, c'est à dire tout de même 400 pages).

C'est assez chiant de voir la presse française s'enflammer et parler de révolution de la SF quand les mecs oublient qu'il existe le reste du monde, qu'à la fin d'année (sous réserve d'une bonne trad') Ada Palmer va venir calmer sévèrement tout le monde et surtout, que des gens comme les Kloetzer (Anamnèse de Lady Star) ou Léo Henry (L'univers de YLT et plus récemment Hildegarde) mérite largement plus que l'écrit surgonflé de Damasio.

Et c'est quelqu'un qui a adoré la Horde qui parle là.

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En tout cas, ce qui est sûr, c'est que Damasio suscite ce genre de controverse, et porte les genres de l'imaginaire bien au-delà de leur cercle habituel de lecteurs. Rien que pour cela, il me semble, il faut se faire son idée par soi-même. Personnellement, j'ai apprécié la Horde, sans nier certains défauts liés à la posture de l'auteur, et dans les interviews, de fait, on ne peut pas dire qu'il fasse quoi que ce soit pour estomper l'image de l'intellectuel au-dessus des autres. Après, n'étant pas férue de SF, je suis moins attirée par le pitch des Furtifs que je ne l'avais été par celui de la Horde, et le "plaquage idéologique" me semble, à première vue, un peu indigeste. Quand l'idée excède la forme, quel que soit le bord du propos, il y a à mon sens un vrai problème sur le plan de la poétique. Cela dit, là aussi, si le roman de Damasio n'avait que la vertu de remettre sur le devant de la scène littéraire, et plus spécifiquement encore celle de l'imaginaire, la problématique du roman engagé, ainsi que les frontières entre l'essai philosophique et l'oeuvre de fiction, ce serait déjà notable. La littérature de l'imaginaire croule sous les scenarios de série efficacement huilés, sans aucune prise de risque sur la forme, et sur le fond, un propos trop souvent d'une grande naïveté, qui cantonne le genre à son image de livres pour ados. Ne nous plaignons pas, je crois, qu'un auteur comme Damasio existe, quelle que soit l'exaspération qu'il peut susciter.
Et puis, qui aime bien châtie bien, comme on dit, et on est toujours plus exigeants avec les auteurs de talent.
Donc quoi qu'il en soit je lirai Furtifs, une fois sortie de l'excellent Erikson dans lequel je suis plongée grâce au travail remarquable de ses nouveaux traducteurs...

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Littlefinger a écrit :C'est assez chiant de voir la presse française s'enflammer et parler de révolution de la SF quand les mecs oublient qu'il existe le reste du monde, qu'à la fin d'année (sous réserve d'une bonne trad') Ada Palmer va venir calmer sévèrement tout le monde et surtout, que des gens comme les Kloetzer (Anamnèse de Lady Star) ou Léo Henry (L'univers de YLT et plus récemment Hildegarde) mérite largement plus que l'écrit surgonflé de Damasio.

Je suppose que tu parles de la presse généraliste, ayant vu passer un article dans Le Monde par exemple. Que dire, à part que, comme d'habitude, la presse généraliste ne fait pas beaucoup d'efforts pour connaître en profondeur les littératures de l'imaginaire ? En plus, un bouquin ouvertement politique par un auteur à succès qui est allé à Notre-Dame-des-Landes et tout, ça fait un cocktail qui attire les médias. En ce qui me concerne, je serai beaucoup plus attentive aux critiques de la presse spécialisée.
Merci en tout cas pour les références que tu donnes : j'irai y jeter un oeil (ça fait un moment que j'entends dire du bien des derniers Kloetzer, notamment).

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J'ai détesté La Horde pour son manque d'originalité (eh oui ! Certes, les détails sont originaux, mais à mon avis, pas le fond. Mais je n'essaie de convaincre personne...), et je l'avais trouvé sur-écrit. Cela m'avait détournée de lire les textes suivants de l'auteur, et je pense que je vais continuer à m'en passer.

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Disclaimer : Mon avis est largement biaisé par mon orientation politique d'extrême-gauche ainsi que mon attrait pour les alternatives politiques et ZAD. La Horde est mon livre de chevet, et je suis un fan inconditionnel de l'auteur.

Ceci étant dit, je n'ai lu que 150 pages pour le moment, mais je peux déjà dire qu'il est largement plus facile de rentrer dans les Furtifs que dans la Horde. Après en avoir discuté avec lui samedi dernier, c'était apparemment une volonté de l'auteur de corriger le tir en proposant une ouverture plus douce. Et je trouve ça très réussi.
Pour ce qui est de mon ressenti actuel, je suis complètement sous le charme. Je retrouve la plume magnifique de Damasio, ses mots valises, et sa verve.
Etant graphiste de métier je suis aussi très fan du travail graphique sur la typo et du sens qu'elle apporte à l'histoire (loin d'être anecdotique). On sent que le travail a été poussé encore plus loin que pour la Horde à ce niveau.

Alors oui, par contre on reste sur les thématiques favorites de Damasio. Il suffi d'avoir écouté 3 4 de ses conférences et interviews pour faire globalement le tour de ce qu'il prône. Par contre je trouve qu'il a grandit depuis la Horde. C'est une histoire profondément marquée par sa paternité. Je pense que ça touchera beaucoup de parents.

En revanche je trouve que l'histoire et la volonté politique du roman se détache beaucoup de la Zone. Je peux me tromper (je n'en suis qu'au début) mais la ou la Zone se focalisait sur un combat contre un pouvoir vertical, Les Furtifs se concentre sur le contrôle de masse, le contrôle horizontal. Et c'est très différent comme approche. De plus, il apporte beaucoup d'alternatives, de portes de sorties variées. Ce que ne faisait pas la Zone.

Bref, je continue, mais pour l'instant c'est un grand oui pour moi.

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Tybalt a écrit :les idées de gauche en ce moment en France ne sont vraiment pas spécialement le "bon côté"

Les idées de gauche sont tellement mal acceptées en ce moment que Damasio est numéro 1 des ventes en librairies indépendantes devant un ancien (?) militant LFI.

Je crois même avoir vu Les furtifs dans le top 5 des ventes livres d'Amazon, ce qui ne doit pas arriver souvent pour de la SF. Ce qui est assez cocasse d'ailleurs: être anti-grand groupe capitalo-machin et vendre son bouquin chez le grand démon qu'est Amazon.

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Ce n'est pas parce que les gens achètent un livre qu'ils sont d'accord avec ce qu'il y a dedans. De plus, si on pouvait déduire aussi facilement les opinions politiques des gens à partir d'un unique achat de livre, les études politiques seraient beaucoup moins ardues qu'elles ne le sont en réalité. Bref, évitons les généralisations, surtout quand elles ne prennent le livre dont il est question ici que comme un prétexte à lancer des piques contre tel ou tel bord politique.