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Colloque international sur Tolkien, Rambures 2008

Par Foradan, le jeudi 17 juillet 2008 à 22:15:58

D'une perspective, de la tentation, un détour par le narcissisme avant de découvrir Gandalf

X L'expérience de la lecture sur les chemins de la Terre du Milieu –S. Marlair

Chez Tolkien, la narration s'opère par le biais d'échos et de perspectives; en d'autres termes, l'écho se retrouve lors d'évocation de faits antérieurs, images de sensations par l'aperçu du légendaire (des noms propres, des cartes, des généalogies, des répétitions de formules) tandis que la perspective tisse des liens entre l'espace et le temps (le baliveau de l'Arbre Blanc, héritier de Telperion, Minas Tirith et Gondolin images de Tirion).
Des effets de passages, quand la narration ne quitte pas ses protagonistes mais présente des passages entre différents états (sommeil, étourdissement), des évocations non racontées d'histoires anciennes, tout cela donne l'idée d'un monde aux chemins inépuisables, lié à son passé, son présent et ses futurs possibles.
(Cette étude est plus parlante avec les illustrations et les extraits qui mettent en lumière les similitudes, appels et rappels, allusions et répétitions).

XI Tolkien et Lewis, deux approches du thème de la tentation -A. Birks

A l'appui de cette démonstration, l'ouvrage de CS Lewis Screwtape Letters (la Tactique du diable) dans lequel un démon instruit son neveu sur l'art et la manière de tenter les humains.

Bien qu'ils fussent proches amis, Tolkien et Lewis avaient des idées différentes sur la façon de traiter du Bien et du Mal dans leurs oeuvres.
• pour Lewis, le Malin existe, ange déchu opposé à Michel l'archange
• pour Tolkien, le Mal est un esprit agissant subrepticement, faisant de l'ainu Melko le rival de Manwë.
Sur ce point, on retrouve une idée commune du Bien perverti, mais leurs voies se séparent quand il s'agit de l'action du libre-arbitre sur le Plan Divin.
• pour Lewis, l'homme a, en permanence, des choix déterminants sur son devenir angélique ou maléfique, c'est son libre-arbitre et ses actions qui feront son futur moi (et Screwtape incite son neveu Wormwood à influencer ces actions et ces choix).
• pour Tolkien, la Grande Musique d'Illuvatar a une fin déjà prévue, et les actions du Mal font partie d'elle sans pouvoir l'entraver.
Pour reconnaître la tentation, il faut prendre en compte que Dieu éprouve l'homme pour le renforcer, tandis que Satan le tente par la facilité, l'immédiateté.
Même si Screwtape et Sauron ssont tous deux des personnages "consistants", l'action du Mal tentateur diffère :
• chez Lewis, la tentation est invisible, Screwtape s'ancre dans la vie ordinaire pour en faire une pente douce vers l'enfer.
• chez Tolkien, la tentation de l'Anneau est visible, physique et constante, il contraint l'esprit et fait contagion autour de lui (Boromir); le chemin vers lequel tend le poids du Précieux est une falaise à pic et se prête à une lutte héroïque.

Nouveau point commun, l'arme privilégiée du Mal tentateur est le désespoir qui se développe dans le manque de foi (Saruman, Denethor), ce qui est à la fois un péché et une erreur selon Tolkien : les grandes épreuves sont l'occasion d'opérer sa rédemption et non à se laisser aller à la tentation du désespoir (Boromir en est la parfaite illustration, rachetant sa faute là où il aurait été si facile de rester loin des ennuis).
Screwtape tente de provoquer une fuite devant les épreuves pour se nourrir de cette peur et de ce désespoir, alors que celui qui attend, se résigne et passe l'épreuve lui échappe, car le Créateur bienveillant soutient celui qui persévère.
Le tentateur clandestin de Lewis et le tentateur ouvertement déclaré de Tolkien usent de l'infection et du trouble contre un monde ordonné : leur objectif est d'obtenir l'aveuglement moral et intellectuel pour pousser l'homme à la faute. Que ce soit par discernement ou par résistance, le libre-arbitre de l'homme est bien réel et permet, en cas de succès, de passer d'une liberté offerte (et contestée par la tentation) à une liberté vécue (et gagnée).

A l'immédiateté de la tentation, les deux auteurs opposent la constance de la vertu dans l'épreuve, reprenant l'image biblique du chemin épineux menant au Paradis et du chemin large et confortable descendant droit en enfer.

A noter que Screwtape signifie l'idée du ver foreur et Wormwood le bois vermoulu, illustrant l'idée de Lewis sur le lent mais continuel travail de sape du démon.

XII Narcissisme et spiritualité dans la poétique du sujet JRR Tolkien -C. Chelebourg

En partant de l'essai sur le conte de fée (Faerie) et des Lettres 71, 94, 109 et 306, cette étude porte sur la construction du monde de Tolkien.
Par acte d'imagination, de sub-création, il faut créer un monde autonome, différent du monde primaire et il faut qu'il soit vrai; Tolkien s'est d'ailleurs bien différencié de Lewis Caroll. La subcréation est un acte de foi et de louange envers le Créateur, mais il y a un risque d'hybris, si le subcréateur oublie cela (illustration de la naissance des 7 pères des nains par Aulë) : la subcréation est produite par l'épithétisation, l'adjectif crée l'imaginaire (aigle géant, cité elfique).
Le deuxième point évoqué ici concerne l'allégorie, qui selon ce qu'elle représente pour Tolkien, sera utilisé avec ou sans guillemets dans ses textes, sachant que la seule allégorie valable reste la vie réelle, elle servira notamment à marquer l'opposition du bien et du mal (Lettre 71) ; l'allégorie de l'arbre, par exemple, est une image du développement naturel de l'homme et de l'Eglise (Feuille, de Niggle).

Créateur de son monde secondaire, hiérarchiquement subordonné au primo créateur, l'écrivain doit faire de la littérature un rempart contre le désespoir, l'écriture est aussi bien un hommage qu'une prière (lettre 94).

XIII Gandalf the Wiser -F. Guglielmo Spirito

Cette conférence étudie la figure de Gandalf en comparaison de la vie des moines coptes dans l'Egypte du quatrième siècle, là où le désert était un laboratoire de recherche de la signification profonde de l'existence humaine.
Gandalf était un errant, quelqu'un qui ne se souciait pas d'avoir une demeure ou des biens, mais que savons-nous vraiment de lui ? Pippin déclare à Beregond qu'il est un livre dont il n'a lu que quelques pages, Tolkien décrit les istari comme des envoyés "angéliques" venus répandre la sagesse en Terre du Milieu; mais si Saruman partage avec Mithrandir une grande connaissance, lui seul possédait la sagesse.
Mais tout sage qu'il soit, Gandalf n'est pas dépourvu d'humour, ni d'une certaine affection pour l'imprudent Peregrin Touque. D'ailleurs, dans sa sagesse, il ne conseille pas la prudence, mais le courage et l'audace : aller au-delà de la "sagesse" de Sauron.
Il n'est pas venu faire le travail des hommes à leur place, mais pour les mettre en mouvement, leur donner l'élan d'agir, aider chaque personne à grandir et à se développer. Pour celà, il montre à chacun l'importance de leurs choix en leur apportant l'espoir.
Un conseil spirituel n'est pas une réponse qui apporte la solution, mais le chemin qui permet de se sauver et d'être guéri et entier. Par ses conseils, Gandalf soigne Frodo de ses inquiétudes paralysantes et a mis en lui une graine de courage.
Car Gandalf, s'il connaît les danger du Pouvoir et refuse l'Anneau, est sensible à la pitié, même pour Gollum, celui qui "mérite" la mort : Frodo a été sauvé de la domination de l'Anneau si longtemps en faisant le choix ("éclairé") de la pitié, car "même un sage ne connaît pas toutes les fins".
Ses actions amènent vers la lumière, dissipent les illusions, il guide, conseille mais agit peu lui-même en fin de compte. De ce point de vue, il incarne la figure paternelle dont chaque mot est précieux et qui permet d'atteindre la maturité et l'autonomie; c'est d'ailleurs ce qu'il annonce aux hobbits avant le nettoyage de la Comté.

Et je me permet de citer au plus près la fin de l'intervention :

"Il y a des Gandalf dans notre monde, peut-être croiserez-vous demain matin Quelqu'un avec une longue barbe grise et un long manteau gris passant devant votre smial secret et vous souhaitera Bonjour !: attention à votre réponse ! Vous pourriez vous retrouvez confronter avec Quelqu'un de plus sage que vous ne l'auriez jamais imaginé, et être conduit sur des chemins inattendus et des aventures...et enfin, à devenir véritablement vivant.


Now far ahead the Road has gone,
And I must follow, if I can,
Pursuing it with eager feet,
Until it joins some larger way
Where many paths and errands meet.
And wither then? I cannot say.

  1. Des dragons et de l'espoir.
  2. De la fatigue à Wagner, en passant par une curiosité
  3. De l'influence sur la fantasy, un peu de symbolisme, une pincée de hobbit et un dé 20.
  4. D'une perspective, de la tentation, un détour par le narcissisme avant de découvrir Gandalf
  5. Héroïsme, tripartisme, dark fantasy et intertextualité
  6. Des femmes, des Nains, la création d'une mythologie et l'histoire littéraire

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