Made in Abyss

Made in Abyss - 1

Au pied de la ville d’Orse s’étend l’Abysse, une faille gigantesque à la profondeur inconnue habitée par d’étranges créatures et emplie d’antiques reliques. Depuis des années, ce mystérieux gouffre attire de nombreux aventuriers qui se font appeler « les caverniers ». C’est ici que vit Rico, une jeune orpheline obsédée par l’Abysse et désirant marcher dans les traces de sa mère qui y a disparu. Un jour, en prospectant, Rico découvre le corps inanimé d’un jeune garçon. Elle est alors loin d’imaginer à quel point cette découverte va changer sa vie et accélérer son destin.

Critique

Par Benedick, le 11/06/2018

Akihito Tsukushi est à l’origine un illustrateur ayant œuvré dans la direction artistique de jeux vidéo. Son projet initial pour Made In Abyss était sensé être un livre illustré. Finalement, l’œuvre s’est réalisée sous la forme d’un manga sérialisé depuis 2012 au Japon et cette métamorphose peut expliquer l’un des atouts de cette bande-dessinée.
Dans la littérature fantasy, il est courant de mettre en avant les écrivains qui créent leur univers avant d’y faire naître les petites et les grandes histoires. Dans le cas de Made in Abyss, on ressent que le mangaka a artistiquement créé et donné vie à son univers avant d’y narrer la quête de son héroïne Rico. La magnifique carte de l’Abysse est l’exemple qui frappe en premier. Objet dépliable avec une réelle identité graphique, elle incarne le rapport des humains à l’univers. Le manga en lui-même est dessiné avec un style basé sur des niveaux de gris brossés combinés à des contours peu contrastés, ce qui permet d’obtenir un superbe équivalent noir et blanc de l’aquarelle. La faune, la flore et le paysage de l’Abysse profitent de ce choix artistique. En effet, le dessin suscite à la fois l’étrangeté et le désir d’explorer visuellement chaque case pour mieux appréhender cet univers inconnu. D’ailleurs, l’éditeur français propose une bande dessinée qui conserve la taille de l’édition originale, c’est à dire supérieure au format poche classique des mangas. Ce qui met encore plus en valeur les compositions des cases d’Akihito Tsukushi.
Concernant les personnages juvéniles, qui représentent l’essentiel du casting, ces derniers affichent une physionomie toute en rondeur débordant d’expressivité. Cela accroit la sympathie que peut éprouver le lectorat à leur égard, en particulier l’espiègle et énergique Rico et son mystérieux compagnon Legu. Ces deux derniers sont dirigés par des sentiments simples mais puissants, démultipliés par l’omniprésence de l’Abysse. D’ailleurs, la grande réussite d’écriture de ce manga est de faire ressentir de manière subtile et organique le caractère dangereux et malsain de l’Abysse, tout faisant comprendre l’attirance quasi viscérale qu’il peut provoquer chez les êtres humains.
Malheureusement, le périple de nos deux héros ne débute qu’à la fin de ce premier tome. Cependant, l’excellente immersion donne la possibilité d’adhérer aux obsessions et aux interrogations des protagonistes, sans avoir la désagréable sensation de subir une exposition didactique artificielle. D’ailleurs, cette dernière qualité trahit la cible éditoriale adulte de ce manga, de même que l’aspect comique qui oscille entre le pince-sans-rire et l’humour noir flirtant habilement avec le malaise. Pour ce qui du déroulement de l’intrigue, la série animée diffusée en 2017 (disponible en VOSTFR chez Wakanim) a démontré que l’histoire n’est pas destinée aux enfants malgré l’aspect mignon des héros. A bon entendeur !
Made In Abyss dispose d’atouts pour séduire et la suite sera là pour confirmer, voire amplifier, cette première bonne impression (30 Juin 2018 pour le tome 2). Néanmoins, l’identité graphique et le désir de plonger dans l’Abysse poussent à conseiller ce manga aux personnes désireuses de tenter l’inconnu sur un premier tome.

7.5/10

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