Tolkien et la religion : comme une lampe invisible

ISBN : 979-102310547-6
Catégorie : Roman connexe
Auteur/Autrice : Leo Carruthers (Proposer une Biographie)

Il s’agit d’une exploration de la Terre du Milieu, dans la mythologie de J R R Tolkien, afin de comprendre son caractère spirituel et de vérifier jusqu’à quel point il peut s’apparenter, ou être parallèle, au christianisme. Peut-on qualifier Tolkien d’” auteur catholique ” ? Ses romans véhiculent-ils une spiritualité définie ? Si le mythographe écarte le terme Dieu, et toute autre allusion à la religion, nombre de lecteurs sentent dans son oeuvre la présence d’une ” sorte de foi, comme une lampe invisible “. La vie et l’oeuvre de Tolkien, examinées dans la perspective religieuse, sont au coeur des deux parties de ce volume. Sa conversion au catholicisme est située dans le contexte historique du XIXe siècle, qui affecte les catholiques et les protestants anglais. Tolkien restera toute sa vie un fidèle pieux et pratiquant ; mais, plutôt conservateur, il aura du mal à intégrer l’aggiornamento de l’Eglise suite à Vatican II. Il joue un rôle clé dans les Inklings, groupe d’intellectuels d’Oxford, animé par son meilleur ami, C. S. Lewis, universitaire connu pour ses livres de théologie populaire. Enfin, Tolkien le créatif a puisé son inspiration en grande partie dans les textes du Moyen Age, chrétiens, païens ou mixtes, qu’il connaît professionnellement, dont plusieurs sont présentés ici. La seconde partie du livre explore la mythologie de Tolkien, non seulement les deux romans publiés de son vivant (Le Hobbit et Le Seigneur des Anneaux), mais aussi l’ensemble de légendes, sur lequel il travaillait incessamment, sans pouvoir l’achever de manière satisfaisante. Les récits les plus développés seront publiés plus tard par son fils Christopher : Le Silmarillion et L’Histoire de la Terre du Milieu. Plus accentués vers la fin de sa vie, les thèmes du mythe, de la religion et de la spiritualité y sont présents à divers degrés.

Critique

Par Gilthanas, le 20/03/2017

L’œuvre de J.R.R a souvent été vue comme une œuvre religieuse, cachant derrière son épopée un message chrétien. Cependant, si la dimension religieuse est bien présente dans les écrits de ce catholique pratiquant, Leo Carruthers s’emploie à démontrer dans son dernier ouvrage, Tolkien et la religion, que, contrairement à son ami C.S Lewis, Tolkien n’a pas produit une œuvre apologétique.
Après un rappel biographique, Carruthers nous rappelle les liens de Tolkien avec les Inklings (et leur entourage), l’apport des discussions de ce groupe sur la construction de son œuvre, et comment certaines théories se retrouvent en filigrane dans ses textes. L’auteur revient ensuite sur l’importance des textes médiévaux et leur rapport à la religion pour Tolkien. Il est important de noter que cet ouvrage ne s’attarde pas seulement sur la dimension « chrétienne » de l’œuvre de Tolkien, mais aussi sur les religions païennes, notamment à travers Beowulf, dont l’impact sur les récits du Légendaire est immense, ou encore l’Edda poétique et le Kalevala.
Enfin, la seconde moitié de l’ouvrage est consacré à l’étude plus poussée de la place de la religion dans le Hobbit, Le Seigneur des Anneaux et le Silmarillion (ouvrage qui occupe la plus grande partie du texte). C’est, à mes yeux, la partie la plus intéressante et la plus novatrice. Il est intéressant d’y voir l’avancée de la pensée de Tolkien, qui, au fur et à mesure de l’avancée de sa vie et de l’écriture de son œuvre, tend de plus en plus à y insérer un message chrétien (ou compréhensible comme tel, avec par exemple le mot God pour désigner Eru/Ilúvatar), mais sans cependant jamais franchir le pas. La question des Âges dans le Seigneur des Anneaux est aussi soulevée, notamment pour savoir dans quel Âge nous nous trouvons actuellement si on accepte l’idée du mythe tolkiennien comme un passé réel de notre Terre (ce que Tolkien lui-même se refusait à confirmer). En bref, il s’agit d’un ouvrage qui ravira tous les exégètes de l’œuvre de Tolkien, qui trouveront dans ce texte des nouveaux axes de lecture pour le Seigneur des Anneaux et le Silmarillion. A réserver cependant aux passionnés et aux spécialistes, car les références aux différents textes (et aux différentes versions de ceux-ci) sont nombreuses, et peuvent perdre le lecteur néophyte.

8.5/10

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