Alors que 2024 se termine à peine, quel serait votre premier bilan, à chaud, concernant votre maison ou même la situation globale en Imaginaire ?
Ce fut une année très bizarre, coupée en deux par le 9 juin, en tout cas c'est comme ça que je l'ai ressentie d'un point de vue subjectif. Commencée sur les chapeaux de roue avec ''La Maison aux pattes de poulet'' de GennaRose Nethercott puis ''La Cité des marches'' de Robert Jackson Bennett. Robert est venu à Trolls&Légendes, puis on a fait un tour en Bretagne. C'était vraiment sympa. Crevant mais sympa. En mai, j'ai publié le Conan de Laurent Mantese, ''La Sonde et la taille'', et la réception critique a été à la hauteur du livre, qui est clivant mais qui, pour moi, est un putain de gros morceau de littérature. On s'est retrouvé à Montpellier pour la Comédie du livre avec Laurent, les Partners in Crime du Bélial' et c'était vraiment super. Ça faisait peut-être dix ans que je n'étais pas allé à la Comédie du livre. Et puis le 9 juin, la France a basculé dans un trou noir dont elle n'est pas encore sortie... loin de là. J'ai traversé le deuxième semestre sans le comprendre. Sans pouvoir m'accrocher vraiment à un truc. J'ai trouvé la période démoralisante. Dominée par l'impression de patiner.
Avez-vous retenu un événement ou une décision particulièrement marquants ? On songe à l'usage de l'IA dans l'édition, ou aux coûts de production en hausse, aux difficultés rencontrées par beaucoup de maisons indépendantes...
La tragicomédie des Moutons Electriques et leur crowfunding pour financer les envois de leur crowfunding précédent. Une communication hallucinante qui oublie complètement les auteurs qui n'ont pas été payés depuis des années. La nouvelle danse du ventre qui n'est pas une variante du Boléro... mais la Bolloré. Et j'en passe. Un an après ActuSF, c'était rigolo, mais en fait non.
Quelle place pour la fantasy dans votre programme 2025 ?
Énorme. Au premier semestre, c'est quatre titres sur cinq. ''Le Sabre de neige'' de Salomé Han, ''La Cité des Miracles'' de Robert Jackson Bennett, ''Les Amants du Ragnarök'' de Jean-Laurent Del Socorro et ''La Dissonance'' de Shaun Hamill qui est une sorte de collision frontale entre le roman d'horreur et la fantasy urbaine. J'ai pensé à ''Imajica'' de Clive Barker, les longueurs en moins. C'est un gros livre, ambitieux, sur une magie qui se nourrit de nos sentiments négatifs.
Comme toujours, chez Albin Michel Imaginaire, l'offre est réduite mais éclectique. Au second semestre, il y aura aussi sans doute de la fantasy. Mais pour le moment, je me concentre sur le premier semestre (chaque chose en son temps). J'en suis particulièrement content, les textes, les couvertures...
Moi qui suis plutôt un lecteur de SF, j'avoue que j'ai du mal à trouver des projets qui m'enthousiasment dans le genre SF. A mon sens rien n'arrive sans raison, et la perte de la vitesse de la SF telle que moi je la diagnostique est due à ce mur qui approche à grande vitesse et contre lequel on va se fracasser. Aujourd'hui quelle SF peut faire l'impasse du changement climatique ? Et donc de l'anxiété...
Enfin, quel sera votre plus grand défi pour cette nouvelle année ?
Il faut que je réussisse mon coup sur Salomé Han. Il faut que je réussisse mon coup sur Robert Jackson Bennett. Il faut que je réussisse mon coups sur ''Les Amants du Ragnarök''. Il faut que je réussisse mon coup sur La Dissonance de Shaun Hamill, etc. Après ce deuxième semestre 2024 dégueulasse, il faut que je remette Albin Michel Imaginaire sur de bons rails. Vive la fantasy ! Vive l'Imaginaire. Et en route pour la joie !
''Propos recueillis et mis en forme par Emmanuel Chastellière.''