De plus en plus, à l’image des tensions rencontrées entre George R.R. Martin et certains de ses fans lourdement impatients à propos d’un retard de parution, les blogs d’écrivains sont à la source de petits incidents.
Dans un article récemment publié dans The Globe and Mail, l’auteur canadien Guy Gavriel Kay partage sa vision sur les relations ambigües que peuvent engendrer le blog entre l’auteur et ses lecteurs.

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Les nouvelles relations entre lecteurs et auteurs

Pour Kay, se lancer dans une grande saga, c’est déjà passer en quelque sorte un contrat avec les lecteurs, contrat qui décidera inévitablement de la vie de l’écrivain pour plusieurs longues années. Mais, certainement, les lecteurs qui insistent au point qu’ils « ne fassent rien d’autre » trahissent d'un sens assez discutable du processus créateur d’une œuvre écrit-il. Il est trop facile pour un autre auteur de compatir et je le fais, du fond du cœur, mais je ne peux pas m’empêcher de noter que la seule raison grâce à laquelle les lecteurs connaissent les dates de vacances et des matchs de football (et le nom de son équipe favorite), c’est parce que Martin le leur a dit. Sur son blog.
Pour Guy Gavriel Kay, le blog aurait donc un effet pervers, et l’auteur fait le lien avec d’autres réactions virulentes qu’a subi Patrick Rothfuss sur son blog plutôt actif, du genre : vous êtes simplement aussi mauvais que Martin, et je n’arrive pas à croire que j’ai gaspillé mon temps à lire votre livre merdique. Son premier roman avait connu un franc succès, il y a plus de deux ans, et le tome 2 tarde à venir. Tout cela soit nouveau pour lui, sa vie ait été mise sens dessus dessous par le succès. Il nous dit qu’il a acheté une maison, une voiture, et qu’il doit retrouver ses repères. Il demande qu'on soit indulgent à son égard. Son livre est vraiment long, selon lui explique Kay.
Ce dernier est bien placé pour comprendre cet état de fait, mais il met en lumière que la participation des lecteurs et leur immersion dans la vie quotidienne d'un écrivain via les blogs encouragent ceux-ci à s'approprier non plus seulement des œuvres mais également l’intimité de son auteur - ils s'arrogent ainsi le droit de faire des remarques, de se plaindre, de recommander des aliments pour chat, de se sentir trahis, de crier des injures, de se mettre à exiger : « George, perdez du poids, merde !! ».
L’effet est inquiétant, mais il l’est sans doute encore plus lorsqu’il s’organise massivement. Après que Stephen King ait posté un message très critique sur la série de Stephenie Meyer, certains fans de cette dernière avaient menacé d’organiser un « bombardement » des boîtes mails de King, d’autres avaient glissé - en y croyant - que ce dernier était jaloux de la beauté d’Edward... Meyer a bien entendu précisé qu’elle n’y était pour rien dans ces réactions excessives ; pourtant d’autres auteurs ne se sont pas gêné ces derniers temps d’être à la tête de ce genre d’expédition punitive envers la critique.
G.G. Kay rappelle par exemple le cas de Patricia Cornwell qui, après avoir vu que son dernier livre recevait en grande majorité des avis négatifs sur Amazon.com, avait lancé un appel à ses "adeptes" pour infléchir la tendance, allant même jusqu’à expliquer sur son blog les procédures d’inscriptions au site de vente en ligne, ou comment marquer comme ‘inutiles’ les avis péjoratifs...
Guy Gavriel Kay ne veut pas noircir le tableau, mais il voit mal comment un nouvel auteur pourrait se passer de la blogosphère. Nous sommes tous en ligne, à un degré ou à un autre, qui varie principalement suivant la part de vie privée que nous voulons préserver, quelle distance nous définissons entre nous et notre travail et entre nous et notre public. L’équilibre entre auteurs et lecteurs est fondamentalement transformé par tout cela. George Martin va finir par devoir poster ses séances d’entraînement quotidiennes, ses quantités de calories brûlées, de poids soulevés, son pouls avant et après. Avec vidéo à l'appui. Ça lui a probablement déjà été suggéré.