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Oyez, Oyez! Nous vous avions annoncé que nous préparions notre premier épisode avec un.e invité.e du monde de l'édition. Nous pouvons maintenant vous dire plus précisément qu'il s'agit de Mireille Rivalland des Éditions L'Atalante qui a eu la gentillesse de répondre à nos questions sur son expérience d'éditrice dans un double épisode que nous venons d'enregistrer, à découvrir à la rentrée. Merci encore pour vos suggestions de questions.

Sujets des saisons précédentes :

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Autant créer un sujet à part pour cette nouvelle saison, d'autant que le sommaire des premiers épisodes a été dévoilé par Lionel :

15 septembre, 501 : La sélection des manuscrits, avec Mireille Rivalland
1e octobre, 502 : Écrire pour soi, écrire pour les autres (partie 1)
15 octobre, 503 : Écrire pour soi, écrire pour les autres (partie 2)
1e novembre, 504 : La course à la perfection
15 novembre, 505 : Être auteur et timide
1e décembre, 506 : Le retravail des manuscrits, avec Mireille Rivalland
15 décembre, 507 : Le découpage des séries

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Intéressant pour le cas des aspirants auteurs qui contestent la décision de l'éditeur et se lancent dans un échange de courriers pour défendre leur livre ^^
Est-ce que cette méthode d'acharnement a déjà fonctionné par le passé pour certains auteurs, ou bien ça ne fait que black lister la personne ?
Je ne parle pas des manuscrits refusés mais qui ont du potentiel (et ont juste besoin de réécriture), mais bel et bien de manuscrits acceptés après coup, sans besoin de grosse réécriture.

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Navym a écrit :Intéressant pour le cas des aspirants auteurs qui contestent la décision de l'éditeur et se lancent dans un échange de courriers pour défendre leur livre ^^
Est-ce que cette méthode d'acharnement a déjà fonctionné par le passé pour certains auteurs, ou bien ça ne fait que black lister la personne ?
Je ne parle pas des manuscrits refusés mais qui ont du potentiel (et ont juste besoin de réécriture), mais bel et bien de manuscrits acceptés après coup, sans besoin de grosse réécriture.

A priori ça ne me semble pas être une très bonne idée. ^^ Contester des corrections, les termes d'un contrat, une fois qu'on a commencé à envisager de travailler ensemble, oui, mais la décision d'un éditeur qui considère que notre livre n'est pas pour lui, ça me semble un peu cavalier, et une perte de temps pour tout le monde. Un éditeur avec qui on n'a pas signé ne nous doit rien, et il en existe toujours d'autres à cibler.

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je plussoie Mélanie. Les éditeurs sont extremement sollicités et j'en ai déjà entendu certains, tard le soir autour d'un verre, partager leur agacement contre ce genre de pratiques. Très mauvaise idée, je pense.

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On reste dans le sujet mais un peu à côté tout de même : une fois, on m'a refusé une nouvelle (chez la revue AOC) mais sur plusieurs retours en un mail , l'une des personnes était ,à mon sens, passée à côté du texte et avait tiqué sur un détail sur lequel j'avais pourtant raison et une autre n'a pas du tout compris le titre du texte. J'ai hésité à répondre, j'avais non pas la rage de ne pas être publié, mais la rage d'être incompris et de ne pas pouvoir répliquer. Au final, j'ai laissé le truc filé, en fait je m'en fous. Mais tous vos podscasts + l'historique des publications de certains grands auteurs me laissent clairement penser que tout est question de gout même du côté des éditeurs et surtout de leur côté en fait. Du coup, le fameux "bon" texte relève souvent de la chimère puisque un bon texte pour un éditeur sera parfois mauvais pour un autre sans que ce soit une question de ligne éditoriale hors sujet.

De plus, je rajouterais que la mode actuelle (en France) des "cours" pour apprendre à écrire me font quand même doucement rire puisque ceux qui les donnent n'ont eux-mêmes pas pris de cours pour apprendre à le faire. Combien d'auteurs de renoms ont suivis des cours d'écriture ? Je ne dis pas que les cours sont inutiles, mais quand je vois le prix et le contenu, autant acheter un bouquin à 15 euros d'Orson scott card quoi. Apprendre l'écriture c'est comme la musique à mon sens : on peut faire de la musique et même très bonne musique sans connaitre le solfège. On peut connaitre le solfège et n'avoir aucune inspiration pour la composition.... Je ne sais plus où j'ai vu ça, mais une autrice à ouvert une école d'écriture je crois et elle disait que le métier d'écrivain s'apprend. Non. Juste non.
Car il y a autant de styles et de techniques différentes que d'écrivains et que les plus grands piliers de la littérature n'ont jamais eu à apprendre leur métier qui était plus une vocation qu'un besoin de "vendre". Il ne faut pas s'étonner de la chute vertigineuse du niveau qualitatif des écritures quand on voit que ce qui vend, c'est souvent ce qui est simple, peur recherché, peu singulier, bien rythmé et fluide. Ok, ce genre de style peut s'apprendre, se maitriser mais la liberté créative en sera forcément entachée, on ne me fera pas croire le contraire.

D'ailleurs, quand on sort de vos podcasts et des livres de Card ou Vonarburg, on comprend qu'on peut faire ce qu'on veut et que les règles bon...elles existent oui mais on les a inventée et il faut parfois faire autrement même si c'est risqué ! Donc on invente des bases il y a 2000 ans ou plus peu importe, et genre on en bouge pas, c'est comme ça qu'il faut faire ! Des fois, ça me dépasse. Et quand un mec veut faire autrement on lui dit " faut déjà connaitre les bases". Oui mais les bases de quoi et inventé par qui ? C'est poussiéreux tout ça. Moi je crois surtout que les histoires sont comme elles sont car c'est sous cette forme qu'elles vendent le mieux.

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Dakeyras a écrit :Du coup, le fameux "bon" texte relève souvent de la chimère puisque un bon texte pour un éditeur sera parfois mauvais pour un autre sans que ce soit une question de ligne éditoriale hors sujet.

Eh bien oui, précisément, un éditeur a un point de vue aussi subjectif que n'importe qui d'autre, et c'est un des facteurs qui entrent en jeu dans la ligne éditoriale. D'où l'intérêt de trouver le bon éditeur, celui qui sera en phase avec vous. En tant que lectrice, je trouve ça précieux, c'est ce qui me permet de savoir que mes goûts correspondent plus à ce publie l'éditeur X que l'éditeur Y, et à guetter les parutions de X avec intérêt parce que je sais que c'est là que j'ai le plus de chances de trouver des livres et des nouvelles voix qui m'intéressent. Trouver l'éditeur dont la ligne nous correspond, c'est aussi multiplier les chances de rencontre du livre avec ses lecteurs.

On a *tous* eu des textes refusés quelque part et acceptés ailleurs. L'une des nouvelles dont les lecteurs me reparlent le plus souvent avait été refusée par l'anthologiste auquel je la destinais, qui n'était vraiment pas convaincu, je l'ai simplement replacée ailleurs et elle a trouvé son lectorat. C'est la règle du jeu et un refus ne signe pas la mort éditoriale d'un texte.

Pour le reste, c'est un vaste débat dans lequel je ne me sens pas forcément d'entrer aujourd'hui, mais je pense qu'il y a une partie de l'écriture qui doit s'apprendre, pas forcément à travers des formules à appliquer mais plutôt à travers l'acquisition d'une certaine maîtrise. Certains vont l'acquérir seuls à travers la pratique, d'autres auront davantage besoin de se référer à des manuels ou conseils, mais il reste que personne n'a la science infuse en matière d'écriture et que tous les auteurs publiés sont passés par cet apprentissage, sous des formes qui diffèrent pour chacun (en ce qui me concerne, quatre ans passés à écrire des nouvelles pas terribles puis progressivement moins mauvaises avant d'atteindre un niveau pro, et croyez-moi, personne n'a envie de voir à quoi ressemblaient mes premiers essais :sifflote:). Et c'est précisément la maîtrise qui permet de faire passer des choses plus originales, qui pourraient autrement n'être que brouillonnes et rater l'effet souhaité.

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LDavoust a écrit :je plussoie Mélanie. Les éditeurs sont extremement sollicités et j'en ai déjà entendu certains, tard le soir autour d'un verre, partager leur agacement contre ce genre de pratiques. Très mauvaise idée, je pense.

Effectivement. J'imagine vraiment mal dans quelle dimension ça pourrait aboutir à quelque chose de productif.

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Merci pour cet épisode passionnant ! C'est un éditeur qui fait un travail passionnant et c'était tout aussi passionnant d'écouter l'éditrice parler de ce travail. Une autre chose qui m'a fait plaisir, c'est la manière dont vous avez porté la parole et les questions des auteurs débutants auprès de L'Atalante. Cela donne vraiment l'impression que le podcast fait tout ce qu'il peut pour faciliter un dialogue constructif et une bonne circulation de l'information entre les éditeurs et les auteurs qui proposent des manuscrits.

Dakeyras a écrit :On reste dans le sujet mais un peu à côté tout de même : une fois, on m'a refusé une nouvelle (chez la revue AOC) mais sur plusieurs retours en un mail , l'une des personnes était ,à mon sens, passée à côté du texte et avait tiqué sur un détail sur lequel j'avais pourtant raison et une autre n'a pas du tout compris le titre du texte. J'ai hésité à répondre, j'avais non pas la rage de ne pas être publié, mais la rage d'être incompris et de ne pas pouvoir répliquer. Au final, j'ai laissé le truc filé, en fait je m'en fous.

Si tu t'en foutais, tu ne serais pas en train d'en parler maintenant, des mois après.
Tu sembles ignorer la chance rare qu'AOC offre aux auteurs. Ils envoient systématiquement tout le détail des avis des lecteurs du comité, même en cas de refus. Aucun autre éditeur ne fait ça à ma connaissance ! C'est là, aussi, qu'on voit que les fanzines et les petites structures accomplissent un travail important pour mettre le pied à l'étrier aux auteurs débutants.
Quatre, cinq avis de lecture différents, et des mails toujours gentils et constructifs ! C'est de l'or en barre et ça ne s'ignore pas. Tu devrais plutôt les remercier !

Un conseil : mets ta rage de côté.

1) Relativise. Parce que les lecteurs qui passent à côté d'un texte, ça se produit tout le temps et, au-delà d'un certain point, on n'y peut pas grand-chose. Tu sembles éberlué de te rendre compte que les éditeurs ne sont, en somme, que des lecteurs qui ont beaucoup lu mais qui peuvent se tromper. Ben oui, errare humanum est, tout ça. Ce qui est intéressant c'est qu'à côté de ça tu revendiques une liberté absolue et un refus de tout ce qui ressemble à une règle en matière d'écriture... mais en matière de lecture, c'est l'auteur qui devrait avoir toujours raison et le ressenti des lecteurs n'aurait aucune valeur ? Pas cohérent, ça. L'avis des lecteurs est aussi libre, aussi subjectif et aussi anarchique que le tien, qu'on le veuille ou non. Les malentendus, c'est affreux, ça arrive, mais c'est la vie, il faut faire avec. Ne pas mordre les gens parce qu'ils n'ont "pas compris" (ou alors il faut écrire des ouvrages de recherche qui se reposent uniquement sur le raisonnement et pour lesquels on a des critères d'écriture et d'évaluation bien plus précis). Et surtout, il ne faut pas se décourager (mais ça peut être plus dur).

2) Si ça te turlupine quand même, pose la question. Poliment. Il m'est arrivé la même chose que toi chez AOC, deux fois. C'est certain que ça ne fait pas plaisir, mais ce n'est pas la fin du monde. Justement parce qu'on peut retravailler le texte (ou non) et le proposer ailleurs... et parce que ça permet de comprendre les réactions des lecteurs. Tu recevras peut-être quelques éclaircissements qui t'aideront à dépasser la réaction primaire "Ils sont très méchants" (qui nous menace tous quand on reçoit un refus, hein).

Dakeyras a écrit :De plus, je rajouterais que la mode actuelle (en France) des "cours" pour apprendre à écrire me font quand même doucement rire puisque ceux qui les donnent n'ont eux-mêmes pas pris de cours pour apprendre à le faire. Combien d'auteurs de renoms ont suivis des cours d'écriture ?

Tu as compté ? Parce que les auteurs britanniques et américains ont presque toujours suivi des cours de creative writing, et/ou ont suivi des ateliers d'écriture dans des associations. Ils ont un agent avec lequel ils retravaillent leurs textes avant de le proposer à des éditeurs.
En France, cette pratique est rare, mais les auteurs ont tous plus ou moins lu des interviews d'écrivains donnant des conseils, des articles de fanzines avec des trucs d'écriture, etc. Et surtout, ils ont passé beaucoup de temps à lire des livres en observant comment les auteurs racontaient leurs histoires.
Je ne dis pas qu'ils ne jurent tous que par ça. Mais, pour répondre à ta question : oui, pas mal d'auteurs ont eu, soit des cours, soit une forme de formation (payante ou pas).

Dakeyras a écrit :Je ne dis pas que les cours sont inutiles, mais quand je vois le prix et le contenu, autant acheter un bouquin à 15 euros d'Orson scott card quoi.

C'est aussi ce que je fais, parce que je n'ai pas le budget pour suivre ce type de formation. Mais, au vu de la durée de ces formations et du travail que cela implique de la part des auteurs qui s'y impliquent, ce n'est pas forcément si cher payé que ça. Compare ça au prix d'un petit cours pour collégien ou lycéen, ou bien au prix d'une intervention de plombier.

Dakeyras a écrit :Apprendre l'écriture c'est comme la musique à mon sens : on peut faire de la musique et même très bonne musique sans connaitre le solfège. On peut connaitre le solfège et n'avoir aucune inspiration pour la composition.... Je ne sais plus où j'ai vu ça, mais une autrice à ouvert une école d'écriture je crois et elle disait que le métier d'écrivain s'apprend. Non. Juste non.
Car il y a autant de styles et de techniques différentes que d'écrivains et que les plus grands piliers de la littérature n'ont jamais eu à apprendre leur métier qui était plus une vocation qu'un besoin de "vendre". Il ne faut pas s'étonner de la chute vertigineuse du niveau qualitatif des écritures quand on voit que ce qui vend, c'est souvent ce qui est simple, peur recherché, peu singulier, bien rythmé et fluide. Ok, ce genre de style peut s'apprendre, se maitriser mais la liberté créative en sera forcément entachée, on ne me fera pas croire le contraire.

Tu confonds plusieurs choses.

1) "Cours d'écriture", "atelier d'écriture", "formation", "conférence", "masterclass", sont autant de mots qui désignent des choses différentes. Tu parles uniquement de "cours d'écriture" et j'ai l'impression que tu mets trop de choses dans ce mot de "cours". Tu sembles croire qu'on va te forcer à adopter un certain style ou une certaine esthétique. En réalité, il y a plein de choses dans un "cours" qui n'ont rien à voir avec ça.

Un atelier d'écriture, par exemple, consiste à écrire sur des consignes variées, à faire des exercices qui t'amèneront à écrire avec des approches que tu n'adopterais pas spontanément. Tu me diras : on peut faire ça chez soi, avec des exercices trouvés en ligne ou dans un livre. Bien sûr. Mais il y a des gens plus solitaires et d'autres que ça aide vraiment de se mettre à plusieurs, de faire le déplacement et de se poser quelque part avec d'autres gens pour faire ça. Et ça te met en contact avec d'autres gens qui ont des démarches, des façons de faire, des esthétiques, des styles très différents du tien. C'est très intéressant et ça apporte plein de choses. Là encore, on peut s'organiser ça avec un groupe d'amis qui écrivent, pas besoin de payer. Mais les gens qui organisent des ateliers savent (s'ils sont bons) encourager, donner des avis constructifs. Ça ne s'improvise pas.

Je ne sais pas de qui tu parles, mais l'affirmation "le métier d'écrivain, ça s'apprend" n'a rien de choquante pour moi, sûrement parce que je ne comprends pas la même chose que toi dans cette expression. Le métier d'écrivain, ce n'est pas seulement la manière ultime de se mettre en connexion avec l'Art pur en fumant des joints avec les Muses sur le parking du Parnasse, loin de la foule ignare. C'est un ensemble de savoir-faire qui inclut, par exemple, la manière de mener à bien un projet de longue haleine, la façon de gérer son temps, la recherche d'éditeurs, la négociation des termes d'un contrat, la gestion des droits d'auteur, l'organisation d'une séance de dédicaces, les relations avec les lecteurs, etc. etc. etc.

2) Tu sembles complètement victime du mythe de l'écrivain romantique qui crache ses tripes sur le papier et obtient du génie pur, le tout sans aucune intervention d'un Bescherelle ou d'un effaceur. C'est un mythe. Personne n'a jamais écrit comme ça, et certainement pas les romantiques comme Hugo, Gautier ou Dumas. Ils avaient tous suivi des études littéraires, ils avaient énormément lu, ils avaient une culture générale en béton et ils connaissaient très bien les règles des courants esthétiques qu'ils transgressaient volontairement pour créer autre chose.
Si tu remontes de quelques siècles en arrière, Boileau te dira : "Cent fois sur le métier remettez votre ouvrage". Encore un siècle avant, Du Bellay, dans sa Défense et illustration de la langue française, t'explique que celui qui veut connaître la gloire par l'écriture doit rester des jours dans sa chambre, comme mort, à son bureau en train de travailler tard. Et dans tout le reste de son livre, Du Bellay donne... des conseils d'écriture. Qui correspondent à une certaine esthétique, mais une esthétique qu'il discute en se référant tout le temps aux écrivains des siècles passés.
Et si on remonte à l'Antiquité, l'aède, le poète grec, l'innocent berger qui garde ses moutons et reçoit l'inspiration poétique dans la montagne, comme Homère ou Hésiode... est en réalité un spécialiste qui a suivi une longue formation afin d'apprendre à improviser des vers grâce à un stock énorme de connaissances apprises par coeur.
Tu parles de musique, mais tout musicien te dira que l'improvisation, ça ne s'improvise pas.

3) Tu sembles confondre "formation" et "académisme". Ce n'est pas parce qu'on prend des cours de musique qu'on se retrouve formaté, condamné à ne jouer qu'un certain genre musical. En matière de beaux-arts, Picasso a commencé par peindre de belles toiles académiques et c'est après qu'il a tordu le cou aux règles, mais ces règles, il les possédait sur le bout des doigts, et en les apprenant il avait acquis tout un tas de connaissances techniques sur la manipulation des pigments, le choix des toiles, le travail de la matière, la composition d'une image, etc. dont il s'est servi ensuite. Le coup du "J'ignore tout, je détruis tout et tout le reste est nul", ce n'est pas de l'originalité, c'est du fanatisme vain.

Alors bien sûr, j'ai longtemps pensé comme toi. Je me méfie des gens qui prétendent enseigner l'écriture, parce que je n'ai pas envie qu'on m'impose une esthétique et parce que je regarde avec méfiance toute forme de domination ou d'emprise, surtout en matière de créativité. Comme toi, j'ai très peur d'être "enfermé dans un moule". Mais je pense qu'il y a une bonne part de malentendu dans ce type de réaction de rejet. Une formation - une bonne formation - ne t'enferme pas dans un moule, elle te donne des trucs de forgeron pour fabriquer tes propres moules et à maîtriser mieux les formes que tu donneras à tes futurs gâteaux.

Je pense aussi que tu as peur des pseudo-formateurs, des coaches qui font payer des sommes folles aux gens pour pas grand-chose. C'est certain que ça doit exister ! Mais ça existe dans tous les domaines. Et il ne faut pas jeter le bébé avec l'eau du bain : ce n'est pas parce qu'il y a toujours des arnaqueurs ou des fumistes que ça disqualifie le principe même de ce type de formation.

Ce qu'il faut, pour éviter ça, ce serait justement des structures (revues, associations, forums...) capables de faire des compte-rendus de ces formations, d'élaborer des comparatifs.

Dakeyras a écrit :D'ailleurs, quand on sort de vos podcasts et des livres de Card ou Vonarburg, on comprend qu'on peut faire ce qu'on veut et que les règles bon...elles existent oui mais on les a inventée et il faut parfois faire autrement même si c'est risqué ! Donc on invente des bases il y a 2000 ans ou plus peu importe, et genre on en bouge pas, c'est comme ça qu'il faut faire ! Des fois, ça me dépasse. Et quand un mec veut faire autrement on lui dit " faut déjà connaitre les bases". Oui mais les bases de quoi et inventé par qui ? C'est poussiéreux tout ça. Moi je crois surtout que les histoires sont comme elles sont car c'est sous cette forme qu'elles vendent le mieux.

Mhm, n'importe quel manuel d'histoire littéraire aurait deux mots à te dire. Les règles ont passé leur temps à changer, de même que les aspirations esthétiques des auteurs, les goûts des éditeurs et les goûts du lectorat. On n'écrit plus un roman maintenant comme on en écrivait un au XIXe siècle. Et il y a "2000 ans ou plus ou peu importe", les genres littéraires qu'on pratique maintenant n'existaient pas... Pas besoin de désespérer en imaginant une Institution Oppressante figée depuis toujours : ça n'existe pas :)

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Je confirme que les éditeurs ont des goûts subjectifs. « L’Île close » m'a été refusée deux fois, par des revues de premier plan, avant de terminer en antho et, depuis, d'être le texte qui ne cesse de reparaître partout, qui a été traduit en anglais (choisi par Delia Sherman et Christopher Barzak), a eu des prix et j'en passe.

Faut continuer à écrire, c'est tout, et rester patient :)

Sur les cours d'écriture et la technique, on en parle tout le temps en filigrane dans Procrastination (le premier épisode pose précisément les limites et les atouts de l'approche, et je vous renvoie aussi sur "Talent Vs. Travail"). Je confirme cependant qu'énormément d'auteurs US ont pris des cours de creative writing (beaucoup plus répandus qu'en France) et sont souvent passés par des ateliers de premier plan qui s'apparentent à des masterclasses (Clarion).

Tu peux être un super jazzman sans avoir fait une ligne de solfège.
Mais si tu connais l'harmonie, tu gagnes quand même du temps. Quel boulot, quelle persévérance faut-il pour devenir virtuose dans sa cave ?
Je confirme, et je le clame fort, que le métier s'apprend dans une large mesure, parce que je sais quel est mon parcours : je l'ai moi-même appris, et je n'ai pas honte de le dire. Je n'ai pas su du premier coup comment mettre en scène, dramatiser, caractériser, gérer le rythme, etc. Et j'apprends toujours, et j'apprendrai toujours.

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Tybalt a écrit :Une autre chose qui m'a fait plaisir, c'est la manière dont vous avez porté la parole et les questions des auteurs débutants auprès de L'Atalante. Cela donne vraiment l'impression que le podcast fait tout ce qu'il peut pour faciliter un dialogue constructif et une bonne circulation de l'information entre les éditeurs et les auteurs qui proposent des manuscrits.

Effectivement, c'est à souligner et je ne saurais mieux dire.

Maintenant, concernant les cours d'écriture, ceux que l'on voit sur internet (par correspondance) sont hors de prix. Ne parlons même pas de Week-ends ou de stages d'une semaine ! :o

Je pense que cela peut être utile à des personnes qui ont du mal à retirer des bénéfices de leur propre expérience. Il y a des gens qui arriveront à tirer quelque chose d'un bouquin ou d'une méthode à moins de cinq euros chez un bouquiniste, en farfouillant sur des forums d'écriture ou en écoutant Procrastination. À partir de cela, ils se forgeront leur propre méthode pour progresser tandis que d'autres auront besoin de "cours", un peu comme certains élèves qui manquent de méthodologie et que les parents (s'ils le peuvent) confient aux soins d'un professeur particulier. Ce qui ne garantit pas d'ailleurs la réussite de l'année scolaire...:sifflote:

Car je suis d'accord avec Lionel, quand il parle de l'art d'écrire, mais aussi de musique, le métier, tout métier s'apprend. Et pour confirmer tout ce qui a été dit, j’ajouterai durement. Peu importe quel chemin on suit, seul ou accompagné. J'imagine que parmi les "auteurs US qui ont pris des cours de creative writing", ceux qui ont réussi sont ceux qui ont sué sang et eau.

Pour en revenir à l'émission, les réponses de l'éditrice étaient intéressantes. Je ne sais pas si ses confrères ou consœurs répondront sur la base des mêmes questions ou sur d'autres en fonction d'autres thèmes que vous nous proposeriez. J'attends avec impatience sa deuxième intervention début décembre. Et s'il me vient l'idée de questions à lui poser sur le retravail des manuscrits, je les note.

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Tybalt a écrit :Merci pour cet épisode passionnant ! C'est un éditeur qui fait un travail passionnant et c'était tout aussi passionnant d'écouter l'éditrice parler de ce travail. Une autre chose qui m'a fait plaisir, c'est la manière dont vous avez porté la parole et les questions des auteurs débutants auprès de L'Atalante. Cela donne vraiment l'impression que le podcast fait tout ce qu'il peut pour faciliter un dialogue constructif et une bonne circulation de l'information entre les éditeurs et les auteurs qui proposent des manuscrits.

Merci à vous tous pour vos suggestions ! Certaines questions et interrogations revenaient assez souvent, et l'ensemble de vos contributions nous a aidés à trouver la ligne directrice de l'entretien.

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Tout cela me rappelle une anecdote. (Je me permets d'intervenir, comme je suis moi-même passé par la sélection des manuscrits chez l'Atalante, à l'époque).

(premier post ici, mesdames et messieurs les modos, ne me tapez pas, je connais le taulier, on a pris le train ensemble une fois)

Il y a deux ans, Lionel et Estelle s'en souviennent peut-être, nous étions tous les trois au stand de notre éditeur. Un jeune garçon est venu nous parler (genre ado, niveau seconde, a vista de nas. Pour la faire courte, il venait demander conseil. Il voulait écrire.
Estelle lui a donc parlé, elle lui a dit tout ce qu'elle pouvait lui dire et que je ne répéterai pas à sa place pour ne pas la paraphraser.
Quand elle a eu fini, le garçon s'est tourné vers moi. Je lui ai dit exactement tout le contraire.

Le truc c'est pas qu'il n'y a pas de méthode. C'est qu'il n'y a pas de méthode universelle. Ça a été assez dit : il n'y a pas deux écrivains qui bossent pareil, qui ont les mêmes objectifs, etc.
Je plussoie donc ce qui a été dit plus haut : écrivez, faites vous plaisir, proposez, patientez.
Et lisez. Mais genre lisez. Plein. (j'aurais tendance à conseiller de lire beaucoup de classiques bien velus, simplement parce que j'ai tendance à aimer lire/voir/écouter des choses que je suis incapables de faire et regarder bosser des gens meilleurs que moi).

Et ce que Mireille décrit est un processus. Le sien (le leur chez l'Atalante). D'expérience, chaque maison en a un. Ou plusieurs.