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Foradan a écrit :
Dakeyras a écrit :Tolkien n'a jamais rien expliqué sur la magie et même si rien n'est résolut par la magie, il utile des deux ex machina comme ce qu'i a appelé l'eucatastrophe (des héros sauvés in extremis genre la fameuse apparition des aigles, évènement tout aussi con qu'un tour de magie qui aiderait à se sortir d'un traquenard).

Une petite précision là-dessus : chez Tolkien, la magie consiste à modifier l'ordre naturel des choses. Il y a eu la création (ou plutôt, la Création par des puissances immortelles qui disposent du vrai pouvoir) de toutes choses ; et dans cette création, modifier les paramètres (comme allumer une brindille sans briquet), c'est de la magie.

Sauf que pour modifier les paramètres, c'est comme de changer un code informatique, c'est pas donné à tout le monde et pour les observateurs qui ne savent pas comment faire, c'est mystérieux et donc magique.

Les magiciens de Tolkien entrent dans la matrice de l'univers et modifient quelques lignes, mais à supposer que le dessein de la Création est une oeuvre divine, intervenir est pratiquement du sacrilège.

La question des aigles ou de Gollum est hors de la magie, ce sont divers intervenants, et dans un cadre de fond d'histoire qui fonctionnerait avec la cavalerie de Lucky Luke, au bon endroit au bon moment.

Sûrement, mais rien de tout ça n'est expliqué dans le corps du texte dans Le Hobbit ou Le Seigneur des Anneaux :) Tolkien a donc souhaité que le lecteur lambda en reste au même niveau que les hobbits : la magie est inexplicable, mystérieuse et puissante. Il a cantonné ce type d'explication sur la théologie de la Terre du Milieu à d'autres textes, d'un genre tout différent... et à mon sens, il a eu bien raison.

Je rejoins l'avis de Dakeyras. Non pas que je n'aime pas ce type d'univers où la magie a des "règles" fixes, claires, précises et contraignantes, qui stimulent la narration et tout et tout... mais ce type de conception de la magie manque de merveilleux, puisque tout devient prévisible et cohérent et que le mystère finit par disparaître. Si on n'y injecte pas autre chose, on finit par aboutir à une forme vide, qui tourne en rond comme un bel engrenage replié sur lui-même... exactement comme un système de jeu.

Dans Harry Potter, le principe d'une école de sorciers devrait tuer complètement le mystère. Mais Rowling a soigneusement ménagé des mystères et des exceptions : on se place du point de vue des élèves, qui justement sont loin de tout savoir et découvrent petit à petit des sortilèges anciens et puissants que les adultes maîtrisent, jusqu'à toucher à des enchantements rares et puissants comme les Horcrux, que seul Voldemort et quelques autres savent déployer. Et il y a d'autres choses que même les adultes ne comprennent pas bien, comme le lien entre Harry et Voldemort. Donc, chassez l'incompréhensible, mais faites-le revenir au galop !

J'ai l'impression que la magie "à la Sanderson", renforcée par la pratique des jeux de société et des jeux vidéo, tend à favoriser la magie assimilée à une science rigide. Or ce serait dommage que cette conception en vienne à s'imposer comme la norme incontournable en matière de magie, parce qu'on a beaucoup à y perdre en matière de merveilleux. L'essentiel, à mes yeux, c'est qu'en matière de fantasy chacun puisse trouver son compte et qu'on garde à disposition des univers variés montrant des types de magie variés.

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Je pense vraiment que vous vous en faites une image trop rigide.
La science-fiction fonctionne de base sur des présupposés davantage mécanistes (science n'étant pas magie, en tout cas dans la SF plus explicative) et pourtant, c'est littéralement le genre qui a inventé le terme sense of wonder
Le merveilleux n'est pas obligatoirement corrélé au mystère (même s'il y contribue beaucoup). Il existe de l'émerveillement dans la compréhension, comme le prouve l'aventure scientifique.
J'ai beau être un gros Trekkie et avoir potassé le Technical Manual de Next Generation au point d'avoir lu le très réel article théorique de Miguel Alcubierre Moya sur la faisabilité d'un warp drive – cette découverte et cet apprentissage n'ont nullement étréci mes horizons, au contraire, ça m'a fait rêver toute mon adolescence.

Le merveilleux, oserais-je avancer, ne réside pas dans le mystère mais avant tout dans le possible, l'élargissement des horizons. Et c'est à ce titre que le mystère y contribue, car il pointe vers un "ailleurs", mais il demeure donc une conséquence du mécanisme et non sa cause.

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Pour rajouter ma pierre à l'édifice, il y a des bouquins qui explorent plusieurs types de magie dans le même univers.
Les chroniques des crépusculaires est foisonnant de ce côté là (musicale, élémentaire, accoucheuse d'épée avec une âme, danseurs, souffre jour et j'en passe).
Les chroniques du tueur de rois aussi (magie des runes, des noms, sympathisme...).
J'ai toujours apprécié cette diversité. Elle permet d'introduire un nombre incalculable de protagonistes avec différentes particularités. ça donne de l'incertitude par rapport aux confrontations.

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LDavoust a écrit :Je pense vraiment que vous vous en faites une image trop rigide.
La science-fiction fonctionne de base sur des présupposés davantage mécanistes (science n'étant pas magie, en tout cas dans la SF plus explicative) et pourtant, c'est littéralement le genre qui a inventé le terme sense of wonder
Le merveilleux n'est pas obligatoirement corrélé au mystère (même s'il y contribue beaucoup). Il existe de l'émerveillement dans la compréhension, comme le prouve l'aventure scientifique.
J'ai beau être un gros Trekkie et avoir potassé le Technical Manual de Next Generation au point d'avoir lu le très réel article théorique de Miguel Alcubierre Moya sur la faisabilité d'un warp drive – cette découverte et cet apprentissage n'ont nullement étréci mes horizons, au contraire, ça m'a fait rêver toute mon adolescence.

Le merveilleux, oserais-je avancer, ne réside pas dans le mystère mais avant tout dans le possible, l'élargissement des horizons. Et c'est à ce titre que le mystère y contribue, car il pointe vers un "ailleurs", mais il demeure donc une conséquence du mécanisme et non sa cause.

Bien d'accord sur le sense of wonder (important pour moi).
Classer les choses en " Fantasy = magie, rêve, merveille " et " SF = logique, maths, rationalisme " je trouve pas ça très pertinent. Sinon on aurait jamais inventé le terme " Hard SF ".
Et puis, Jurrasic Parc, Retour vers le Futur tout ça c'est pas de la magie.

Et j'ai personnellement du mal à voir en quoi GOT fait rêver moi. Ah si, y a des dragons. ;)


En plus je pense qu'il ne faut pas confondre " magie dont on explique pas les règles " avec du " Ta gueule c'est magique ".

J'ai toujours pensé qu'il y avait quand même des règles derrière la magie de Tolkien : comme par exemple, une magie peut corrompre celui qui l'utilise, surtout si cette magie est elle-même corrompue de base. Et ça c'est plutôt bien expliqué.

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LDavoust a écrit :Il existe de l'émerveillement dans la compréhension, comme le prouve l'aventure scientifique.


Le merveilleux, oserais-je avancer, ne réside pas dans le mystère mais avant tout dans le possible, l'élargissement des horizons. Et c'est à ce titre que le mystère y contribue, car il pointe vers un "ailleurs", mais il demeure donc une conséquence du mécanisme et non sa cause.

Tout dépend ce que l'on ressent : me concernant , si je comprends (vraiment) quelque chose alors ça ne dépasse plus. Il n'y a plus de mystères. Je suis même souvent déçu par rapport à ce que j'en attendais avant de "comprendre". Du coup, je préfère ne pas savoir et continuer à rêver à ma sauce plutôt que de savoir comment un truc fonctionne et me rendre compte qu'il n'a finalement aucun sens alors qu'il en avait un ou plusieurs (pour moi) tant que le mystère restait entier.

Je m'explique : j'aime la SF , l'Univers et le sense of wonder mais j'avoue rester de marbre quand on me fournit des explications car ça ne plait quasiment jamais. Je préfère qu'on ne m'explique rien comme dans Rama de Clarke tome 1 et je ne lirais mais la suite car je suis SUR que ça me décevra. Le mystère et l'incompréhension permettent le fantasme.

Les explications, les "systèmes" désenchantent le monde (à mon sens, c'est très perso). Et encore une fois, si les deus ex machina à base de magie sont des facilités, les deus ex sans magie le sont tout autant et franchement, dans quels romans n'y a t-il pas du tout de deus ex (soit magique soit intervention miracle d'une armée, d'un sidekick j'en passe et des meilleurs) ?

Encore une fois c'est très perso tout ça. Je peux comprendre qu'un auteur veuille décrire à fond un système de magie mais pour moi du coup ce n'est plus de la magie. Demain, si un écrivain m'explique que les fantômes existent et "comment" ça marche, bah son roman perdra tout intérêt pour moi. Je ne veux pas savoir d'où viennent les fantômes ni pourquoi, je veux seulement suivre un personnage qui essaye de comprendre, qui peut presque y arriver et au final non, on a un bout ou deux de réponses mais ce n'est pas clair, c'est frustrant, on ne sait pas trop et boum FIN et là moi, en tant que lecteur, je peux vous assurer que je referme le roman en me posant 1000 questions après la lecture et la lecture m'impactera vraiment. Pour finir, si on me révélait le sens de la Vie, ma vie perdrait tout intérêt.

Mais là je m'évade. Je comprends l'envie d'essayer de construire une logique à la magie ou en tout cas un système, comment ça marche et cie. Mais j'ai du mal avec ça car pour moi la magie est justement quelque chose de mystique. J'ai un bon exemple là-dessus : la séries Vikings qui se veut avant tout historique (enfin on se comprend) possède sont lot de moment mystiques, chamaniques animistes et JAMAIS ça n'est expliqué. Jamais. Du coup j'ai adoré la série et tout cet aspect spirituel qui n'est jamais clarifié et qui donne un côté parfois fantastique/fantasy à la série sans jamais sombrer dedans. On ne sait pas, c'est mystérieux et c'est génial.

Pour répondre sur GOT: Ce qui fait rêver dans cette saga, c'est le mystère et le suspens entretenu sur tous les aspects magiques qui n'ont à ce jour aucune réponse. Bah moi ça excite mon imaginaire.

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Dakeyras a écrit :Je préfère qu'on ne m'explique rien comme dans Rama de Clarke tome 1 et je ne lirais mais la suite car je suis SUR que ça me décevra. Le mystère et l'incompréhension permettent le fantasme.

Rama tome 1 m'a complètement laissé sur ma faim ("tout ça pour ça?!") alors que j'ai dévoré et adoré les suites coécrites avec Gentry Lee.

Comme quoi, les amis, il en faut effectivement pour tous les goûts, et pour relier à notre épisode sur la critique, gardons-nous de considérer les nôtres comme des mètres étalons de Ce Qui Devrait Être En Art. :)

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Effectivement , soit on répond aux grandes questions et on risque le "ah bah c'était juste ça, ok on rentr " soit on y répond pas et les gens diront " tout ça pour ça ? ok on rentre". Personne n'est jamais content.
Je donnerais l'exemple d'Xfiles et de l'épisode du Loch Ness qui possède donc une explication à la fin (il s'agissait d'un alligator je crois ?) sauf qu'en guise d'épilogue, on voit le vrai loch Ness...FIN. Voilà bah ce plan m'a fait l'épisode. C'est gratuit certes, mais c'est Xfiles, pas Columbo. Avec ce plan ultime sans explications, comme pour nous gâter après une explication rationnelle, on a le cerveau qui carbure à base de et si et de mais comment ??. J'adore. Et oui Lionel, personne n'a ni tort ni raison dans ce débat.
Chacun ses goûts, ses attentes et ses ressentis. Mais je voulais réagir pour vous montrer que non non, tous les lecteurs n'exigent pas des réponses (ou explications) à tout, et encore moins à vos systèmes de magie. Il y en a même que ça peut saouler. En fait quand je lis un roman, je veux surtout une histoire et des persos. Moi le worldbuilding pour le worldbuildng je m'en fous un peu. Et je trouve même que la fantasy souffre un peu trop de ce délire (voilà pourquoi j'aime autant Abercrombie ou Gemmell : ils ont bien des univers, mais pas comme les autres, pas des ersatz de 1000 trucs qui existent déjà et ils passent pas 10 plombes à parler du monde autour des persos et des règles magiques et des langues et des coutumes ou des arbres généalogiques). Je frissonne quand je tombe sur des one shot de fantasy sans carte, sans lexique et sans 20 tomes àse farcir. Mais bon c'est un autre sujet.

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En d'autres termes, faire référence à la culture populaire et à d'autres œuvres dans un ouvrage littéraire serait-il plutôt bien ou mal vu ? Appeler l'un de mes personnages en hommage à une personne réelle ou un personnage fictif serait-il considéré comme ridicule dans un roman à priori sérieux ? Utiliser des phrases ou des thèmes propres à d'autres auteurs serait-il du plagiat ? Etc, etc.

Je pense que ça dépend vraiment de la personne qui se retrouve face à une telle utilisation. Parfois certaines références passent totalement inaperçues alors qu'on les imagine évidentes. Et quelqu'un peut y voir un hommage en effet ou une facilité; c'est selon. :)
Perso, j'ai eu droit aux deux cas de figures.

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J'aime bien la règle 0 :)
C'est une excellente boussole, et qui contrebalance bien le coté presque scientifique des 3 autres.
En tout cas merci d'avoir abordé ces règles, ce sont d'excellents outils (ou grilles de lecture).

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Ah ! Les scènes d'action ! :o

Je dois être bon public parce qu'une mauvaise scène d'action en fantasy aurait dû me marquer au point de m'en souvenir des années après... Or, j'ai beau réfléchir, aucun souvenir négatif ne remonte à ce qui me tient lieu de cerveau.

Maintenant, il en existe de plus ou moins marquantes, de plus ou moins réussies.

Je suis pleinement d'accord avec Estelle. Ce type de scène mérite la même attention que les autres, ne doit pas apparaitre comme un passage obligé. Il faut que la scène amène le personnage concerné à revoir ses plans par exemple... ( j'aime bien quand le héros est tiré d'affaire par un personnage inattendu avec tout ce que cela implique en matière de compromissions, d'alliances nouvelles, etc.). Il faut aussi que ce soit une plus-value pour l'intrigue et non un prétexte pour noircir un peu plus de pages en ralentissant celle-ci.

Par contre, en matière de rythme, (je pense avoir bien compris le propos d'Estelle), j'apprécie quand, pour une action qui va durer une minute trente, j'ai droit à cinq minutes de lecture extrêmement jouissives. Un peu comme avec des ralentis, des plans différents (au cinéma, ça rallonge pas le temps de l'action, mais ça en donne l'illusion). Quand je retrouve ce "défilement construit" dans un texte, c'est un vrai bonheur. :)

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Kik a écrit :Un peu comme avec des ralentis, des plans différents (au cinéma, ça rallonge pas le temps de l'action, mais ça en donne l'illusion).

J'adore ça aussi ! Quand le projet s'y prête, j'adore en particulier m'efforcer de recréer les effets du cinéma d'action asiatique rien qu'avec des mots. :)

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Pour le côté technique, je pense à un exemple particulier, celui de la BD, et plus particulièrement ce bijou qu'est "De Cape et de Crocs", où, en quelques cases (ni trop, ni trop peu), on peut mêler le dessin et le texte pour décrire une feinte en quarte, riposte en tierce, remise en septime et main gauche à la carotide.

(et là le temps s'arrête et tout le monde se fige en attendant de voir qui sort victorieux de la passe d'arme).


Le jargon, c'est comme les rôlistes qui se comprennent entre eux, c'est à manier avec précaution parce que c'est d'autant plus précis et exact que ça peut être lourd et engoncé.
(Quand vous parlerez des grandes batailles, viendra immanquablement la question de décrire un siège et la difficulté de décrire avec justesse l'usage des trébuchets par rapport à ce que le cinéma a pu nous montrer : 1 tir par heure, on est très loin du tir en rafale, et avec une précision qui ne se règle pas en 2 minutes).

Réalisme, dynamisme, un siège, c'est long et pénible (ou alors les forces sont déséquilibrées et la marée emporte le château de paille), une bataille, c'est potentiellement long et confus. N'en garder que les enjeux, changer le point de vue, plonger au coeur de la mêlée, montrer les combattants fatigués et couverts de poussières, il y a tant de façon d'impliquer le lecteur (mais attention à l'abus, si les batailles s'enchaînent, la lassitude peut arriver quand on a compris que le héros va éveiller le pouvoir du dragon en lui et tout balayer).

Et pour en avoir discuté avec Estelle avec qui je partage une tendresse pour Soulcalibur, la baston, c'est cool.