Étrange roman que celui-là, qui se distingue par sa longueur, le nombre de ses influences et de ses ambiances, de même qu'une promotion originale en Grande-Bretagne, ou bien une campagne radio par chez nous. Il faut dire que Michel Lafon, l'éditeur français, n'a pas de collection ouvertement fantasy, et qu'il s'agit là d'un roman difficile à classer, se dérobant à toute volonté de catégorisation.
Mais au diable les cases ! Nous voilà conviés à assister à nombre d'aventures des plus "feuilletonnesques", dans une ambiance de XIXeme siècle, et dans une ville qui pourrait aussi bien être Londres que Paris. Le flou demeure, volontairement selon l'auteur lui-même, et finalement, c'est de toute façon l'histoire et ses protagonistes qui priment ici.
Et même si le cadre, le propos, le style sont différents, on se prend à songer à un nouveau roman-fleuve, façon Jonathan Strange & Mr Norrell. Il faut dire qu'avec un premier chapitre de plus de 60 pages... le décor est planté ! Et voilà peu à peu l'impression qui se dessine : ce roman est verbeux. Dès lors, sa publication préalable en épisodes de l'autre côté de la Manche ferait presque sens : le lire d'une traite se présente comme une option rapidement écartée. Mais impossible de nier l'originalité, la créativité de l'auteur, dont on perçoit d'ailleurs l'influence de son expérience d'auteur de pièces de théâtre, et qui nous offre là bien autre chose que la quête d'un jeune paysan devant sauver le monde.
Toutefois, avec un tel mélange - policier, historique, fantasy, érotisme... - aux ingrédients si variés, il était sans doute peu évident d'éviter quelques longueurs (et autres répétitions, plus discutables cela dit et posant quelques questions sur le rôle des relectures...). Le dernier tiers à ce titre récompensera le lecteur persévérant, puisque nous voilà (quasiment) débarassés du verbiage, avant de parvenir à une fin des plus ouvertes !
Roman de brume et de mystère, de rêve et de féerie au parfum victorien, il ne fera certainement pas l'unanimité et devrait laisser de marbre bon nombre de lecteurs ne sachant pas sur quel pied danser.
Et si cet ouvrage se voulait certainement plus ambitieux, en tutoyant par exemple les sommets, ses aspects bancals le rendent peut-être finalement plus intriguant qu'un pseudo chef-d'œuvre...
— Gillossen