On pourrait s’interroger sur la place de ce Roublard dans nos colonnes, mais comme l’auteur le dit lui-même, il s’agit d’une fantasy se basant sur une réalité mais certainement pas d’un roman historique. Si Sir Terry Pratchett s’autorise cette entorse, permettez-nous de faire de même !
Roublard prend donc place à Londres, à l’époque de Dickens et de son grand ami Mayhew, qui lutta beaucoup pour tenter de faire prendre conscience à ses concitoyens de la pauvreté ambiante. On retrouve d’ailleurs toute une galerie de personnages existants ou fictifs mais relatifs à cette période, dont Sweeney Todd par exemple, le temps d’une courte apparition.
De quoi ancrer un peu plus le récit de l’auteur dans ce terreau saumâtre qui compte néanmoins ses héros, dont le jeune Roublard justement, plus habitué aux égouts et aux ruelles mal famées qu’aux bâtisses cossues de la bourgeoisie qui préfère détourner le regard face à la misère ambiante. Un soudain accès d’héroïsme et son grand cœur le mèneront soudain bien loin de son ordinaire, sans qu’il l’oublie pour autant, à l’image de tous ses camarades au destin plus ou moins contrarié que l’on croise au fil des pages et font vivre cette cité grouillante d’activité mais aussi de crasse. Pratchett la ressuscite avec talent, tout en évitant de souligner le trait de façon caricaturale (pas de vocabulaire d’époque ou d’expressions d’argot trop présent et qui auraient pu donner l’impression de forcer le tableau).
Mais au-delà de cet hommage assurément réussi, notamment dans la forme, Terry Pratchett nous propose avant tout une histoire prenante et qui ne badine pas avec certains sujets durs, tout en sachant toujours rester divertissante, un terme qui n’a rien de négatif à nos oreilles, au contraire.
Rehaussé par de jolies illustrations là encore parfaitement dans le moule, ce roman constitue donc une lecture plus que sympathique, que l’on n’hésitera pas à recommander, comme souvent avec Pratchett. La question ne se pose guère avec un écrivain d'un tel calibre mais il est toujours bon de s'en assurer, ne serait-ce que pour le retrouver toujours aussi mordant !
— Gillossen