Une trilogie de silkpunk avec des pirates sur des navires aériens, avec par-dessus le marché une magie fondée sur l’origami : à première vue, ça fait beaucoup. On pourrait même penser qu’Ann Sei Lin s’est contentée d’accumuler des concepts vendeurs. Eh bien ça marche !
La magie mise en scène, la maîtrise du pliage de papier pour le transformer en armes et même en créatures animées parfois très complexe, n’est pas courante et attise la curiosité. L’intrigue n’est pas d’une originalité folle mais rondement menée, avec tous les rebondissements que l’on peut souhaiter dans une telle aventure pile là où il faut. Dès le début, le rythme est enlevé et les péripéties s’enchaînent ainsi que les rencontres de Kurara, amicales comme hostiles. L’accélération est très nette dans les dernières dizaines de pages jusqu’à même être parfois excessive. L’autrice donne alors l’impression de pousser une fin trop rapide qui ne laisse pas assez le temps au lecteur de prendre la mesure des derniers rebondissements.
Point positif, ce rythme à perdre haleine (et le public ciblé, plus jeunesse que young adult) permet d’échapper à ce qui semble actuellement incontournable dans tant de livres de cette catégorie : la romance, trop souvent intégrée au chausse-pied. Ici, pas le temps de conter fleurette, Kurara a vraiment autre chose à faire de ses journées, merci !
En revanche, c’est l’amitié qui guide l’héroïne. Kurara est prête à tout pour sauver son ami, y compris quitter tout ce qu’elle connaissait, joindre un équipage pirate et tenter de devenir la meilleure pliomage de l’empire pour espérer rencontrer la princesse qui le sauverait. Figure volontaire et marquante qui sort du lot de beaucoup de personnages jeunesse actuels, elle part de rien et elle va déployer toute son audace, son énergie et son talent pour surmonter les obstacles rencontrés dans l’aventure. Elle perd ainsi progressivement ses illusions et sa naïveté d’enfance pour se découvrir une grande force.
Les autres personnages ne sont pas en reste, chacun poussé par ses propres motivations et déterminé à se libérer et se réaliser.
Les gros points forts du roman sont ainsi l’originalité de son univers, dont l’esthétique ne déparerait pas au studio Ghibli, et ces personnages que l’on suit en frémissant de frayeur avec eux ou de colère contre eux lorsqu’ils s’opposent à l’héroïne. Comme souvent dans ce genre de situation et particulièrement en jeunesse, les monstres ne sont pas tellement ceux que l’on dit, mais bien plutôt ceux qui les manipulent dans l’ombre !
Cela en fait un récit très humain, dans un monde avec tous ses conflits et ses cruautés abordés à la hauteur d’une jeune adolescente.
Ce roman ne s’adresse donc pas à des lecteurs qui chercheraient une grande complexité dans l’intrigue ou une grande profondeur philosophique – encore que certains passages et particulièrement la fin de ce tome 1 laissent présager une certaine réflexion sur ce que c’est qu’être une personne en vie. C’est en tout cas un bon roman d’aventure jeunesse, avec des passages obligés mais beaucoup d’âme, plein de la force de l’amitié et de l’aspiration à la liberté.
— Izareyael