La Malédiction d'Old Haven nous entraîne à la croisée des mondes. 															Entre uchronie et fantasy, ce roman de Fabrice Colin marie les genres avec intelligence et habileté. Mary évolue dans un monde qui 															n'est pas sans rappeler les Etats-Unis au XVIIIème siècle et leur volonté de 															s'émanciper du modèle britannique. Mais dans ce monde, les liens ont déjà été 															rompus depuis longtemps et un régime théocratique fort avancé technologiquement 															(machines volantes, ascenseurs...) a été mis en place.
 A Gotham, la Sainte Inquisition règne en maître absolu et pourchasse sans relâche 															ceux qui pourraient menacer l'équilibre de l'Empire ou œuvrer pour le Malin : 															sorcières, mages, pirates, dragons, créatures des profondeurs, Puritains, tous 															sont promis au bûcher. Mais dans cette lutte du bien contre le mal, la vision 															que nous offre Fabrice Colin est tout sauf manichéenne. Qui des sorcières ou 															de la Grande Inquisition menacent le plus la stabilité globale ? Et que dire 															de la Fraternité d'York qui ne recule devant rien pour atteindre un but qui 															semble honorable. Le lecteur, tout comme Mary, doit démêler les fils de cette 															intrigue complexe et y trouver sa vérité.
 Mais Mary n'est pas totalement maître de son destin ; elle est issue d'une famille 															de puissantes sorcières. Traquée par l'Inquisition pour des dons dont elle ignore tout, 															elle devra trouver sa place et accepter son héritage. Au terme d'un voyage initiatique, 															tant spirituel qu'identitaire, Mary se révèlera à elle-même et au monde qui l'entoure.
 Nous nous trouvons ici devant un roman très bien écrit, riche et fascinant. On y évoque 															à la fois Milton et Léonard de Vinci mais c'est surtout H.P. Lovecraft, dont les créatures 															mythiques sont au centre de cet ouvrage, que Fabrice Colin nous invite à redécouvrir. A 															travers la secte des Domilites, l'auteur nous entraîne vers le monde des profondeurs. Là, 															dans les entrailles de la cité troglodyte d'Arkham, des femmes viennent faire commerce 															de leur corps avec les profonds, des créatures venues du fond des mers, en échange d'une 															promesse d'immortalité. Elles y vénèrent Chtulhu, le Grand Ancien ailé aux tentacules 															monstrueuses, imaginé par Lovecraft en 1926. Le Necronomicon est également évoqué.
 Si La Malédiction d'Old Haven fait appel à des références précises, elle offre 															également au lecteur un vocabulaire riche et exigeant. Les plus jeunes pourront rencontrer 															quelques difficultés lors de la lecture. Le style est homogène et intense, le lecteur 															reste ainsi plongé en permanence dans l'histoire. Les structures sont travaillées mais 															l'ensemble reste d'une grande fluidité et l'on dévore ce roman avec un plaisir non dissimulé.
 En conclusion, voici un livre qui s'adresse à un lectorat jeune, mais dont la qualité d'écriture, 															la richesse de l'intrigue et l'intensité des sentiments en font aussi un excellent roman pour 															adultes. Assurément, vous ne reposerez ce livre que très difficilement et vous resterez hanté 															par la malédiction d'Old Haven.
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