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Interview de Hal Duncan - Utopiales 2008 le retour
Par Luigi Brosse, le mercredi 4 février 2009 à 20:34:21
Et voici une interview qui aura tardée malgré le fait que bon nombre d'entre vous l'attendait avec impatience. Hal Duncan était l'un des invités très spéciaux de ces dernières Utopiales pour nous autres amateurs de fantasy. La raison en est très simple : cela coïncidait avec la sortie en langue française du très attendu Vélum. Adulé par certains, décrié par d'autres en VO, difficile de savoir démêler le vrai du faux.
Quoi de mieux donc que d'aller titiller directement l'auteur pour en savoir plus. Et entre un lecteur plus refroidi par sa lecture et un auteur écossais tout sauf refroidi par le temps nantais, c'est sûr il y allait y avoir des étincelles ! Heureusement pour le reste du Palais des Congrès, cette interview s'est faite fort discrètement dans la suite de l'auteur et toutes preuves accablantes ont soigneusement été néttoyées après coup !
Encore une fois, merci à Hal Duncan pour cette formidable aventure !
La photo a été prise par Mélanie Fazi lors des Utopiales. Vous pouvez consulter plus de photos sur son blog. Photo utilisée avec son agréable permission.
L'interview exclusive traduite
- Allons directement à l'essentiel. Quel conseil donneriez-vous à un lecteur qui se demande si Vélum est pour lui ou pas ?
- C'est une bonne question. Je lui conseillerais de se demander
Est-ce que tu veux plus de « pareil » ou est-ce que tu cherches quelque chose de différent ?
Si tu veux plus de pareil, alors probablement que Vélum n'est pas pour toi. Si tu recherches quelque chose de différent, alors peut-être que Vélum marchera pour toi.
Vélum est un roman compliqué. Je pourrais le décrire comme de la fantasy cubiste. Pour être en mesure de l'apprécier, tu dois reculer suffisamment pour que l'ensemble forme une image. Si tu le regardes de près et si tu te focalises sur les détails et que tu vas du point A à B à C à D alors tu peux te direÇa n'a aucun sens, c'est le chaos total, c'est un non-sens !
Mais si tu recules et que tu considères une plus large perspective, cela devrait faireTilt...
Cela forme une image. Si tu aimes ce genre de choses, vas-y. Voici mon conseil. - La plupart des critiques que j'ai lues émanaient de lecteurs qui avaient profondément apprécié leur lecture. Malheureusement, ce ne fut pas mon cas. Ce n'était pas un problème de style ou d'originalité, mais je ne suis jamais vraiment arrivé à rentrer dans le livre, ni dans les personnages. Que se passe-t-il dans ce cas-là, dois-je poursuivre avec Encre ?
- Je ne sais pas, qu'est-ce qui n'a pas marché pour toi ?
- Le livre est riche, il y a tout un tas de choses fantastiques à l'intérieur, mais je n'ai jamais vraiment saisi quelle était votre idée, quel était le sens du livre.
- Es-tu rentré dans les personnages ?
- Pas vraiment, parfois oui. Mais comme vous changez souvent de personnages, j'ai souvent perdu ce sentiment.
- L'une des choses que j'essaie de faire dans ces livres est de raconter l'histoire d'une façon fragmentée. Mon but est d'avoir la même histoire racontée selon plusieurs perspectives. On peut penser à l'histoire de la mort de Thomas, qui est centrale au livre. Tu as un fil racontant sa mort dans le prologue, puis il revient, vivant dans le texte principal, et puis tu as de nouveau l'histoire de sa mort, mais dans un monde différent, vue sous un angle différent... Pour certains lecteurs, cela lui a donné plus de force, mais pour d'autres, ils ont moins ressenti cet impact, puisqu'il meurt et qu'il revient.
- Ce n'était probablement pas mon cas. Je ne comprenais juste pas où le livre m'emmenait. Peut-être que c'était voulu.
- Ce que tu devrais avoir, avec de la chance, c'est cette vision cubiste. Si tu recules suffisamment, l'image apparaît, ou devrait apparaître. Et cela a été assez intéressant en terme de réactions : certaines personnes, les critiques les plus aguerris, ont d'une certaine façon été divisés : la moitié a aimé, l'autre a détesté... comme si cela n'avait aucun sens pour eux.
- Il n'y a pas d'intermédiaire ? Parce que je reconnais les fortes qualités du livre, mais souvent je me demandais
Pourquoi, où est le sens, qu'est-ce qui se passe ?
- Fondamentalement, les livres sont construits sur une structure très abstraite... la destruction de l'ordre dans Vélum et la reconstruction du monde dans Encre. Je pourrais dire qu'il s'agit de livres construits sur des thèmes. De la même manière que l'Ulysse et le Finnegans Wake de James Joyce, il y a une sorte de structure sous-jacente qui n'est pas tant basée sur l'intrigue, sur des événements particuliers survenant à certains personnages. L'action n'est pas liée de manière continue :
cela arrive, donc cela arrive, et par conséquent cela arrive et ainsi de suite.
C'est plus un thème : en utilisant les saisons et les instants de la journée, comme l'été et le midi, le crépuscule et l'automne pour signifier la dissolution de l'ordre, puis l'hiver et la nuit, le printemps et l'aube lorsque les choses reviennent à la normale. Les deux livres sont construits suivant cette structure thématique. - Vous avez dit que la fin d'Encre était plus souriante. Pourquoi avoir choisi un final classique, alors que le reste de vos livres est justement différent du « pareil » ? Pourquoi ne pas avoir décidé de conclure par une grosse destruction ?
- Fondamentalement... je ne dirais pas que je suis optimiste, mais plutôt humaniste. Je pense qu'il y a trop de livres, écrits avec l'idée que
pour être sérieux, vous devez être négatif, misérable dans votre vision du monde
. Cette attitude intellectuelle est de la connerie. Le monde est étrange, intéressant, absurde. Il n'a pas forcément de sens. Bien sûr. Mais il existe deux types de nihilismes. Le premier est celui auquel tout le monde pense :Le monde n'a aucun sens, c'est de la merde, ce n'est que des conneries, oublions-le ! Pourquoi s'en préoccuper ?
Pour moi, c'est un échec, c'est ne pas aller jusqu'au bout du raisonnement. Si vous voulez être vraiment nihiliste, la bonne attitude n'est pasPourquoi s'en préoccuper ?
, mais plutôtBordel, pourquoi ne pas s'en préoccuper ?
Le nihilisme n'est pas le fatalisme - Revenons à Vélum à présent, pourquoi avoir choisi la figure des anges, car ils occupent une place importante ?
- Parce que... En fait, je suis un parfait syncrétiste. J'ai lu tout un tas de mythologies, et le syncrétisme est une recherche de comment toutes les lier. Le christianisme, pourrait-on dire, a rassemblé les anciennes mythologies d'une certaine façon. Le christianisme a adopté les anciens dieux païens et les a incorporés, les a transformés en saints et en anges. Donc, si vous utilisez l'idée que les dieux et les démons du passé étaient des entités individuelles, une bonne manière de nouer leur histoire est de dire qu'ils ont été graduellement importés dans ce pli comme des anges.
- Je pense que dans vos livres, vous cherchez à éviter une intrigue « bons contre méchants ». Mais pour beaucoup de gens, les anges sont des figures bénéfiques. Cela semble donc un peu contradictoire, parce que probablement les lecteurs vont voir en eux les « gentils ».
- Psychologiquement, je suis une espèce d'iconoclaste, un rebelle. Dès que je vois une structure comme la hiérarchie angélique, je questionne, je veux la défier. Ma réponse automatique à ce genre de choses; l'idée chrétienne d'archanges, est
Hum... ouais...
Sont-ils vraiment bons ? Est-ce que ce sont vraiment les gentils ? Si vous y pensez rationnellement, est-ce qu'ils seraient vraiment les gentils ? Surveiller l'Eden, détruire des villes, l'apocalypse... ce sont plutôt des troupes de chocs. - Pourquoi le Livre de toutes les Heures est-il divisé en deux parties. Est-ce que c'est votre choix ou bien une contrainte éditoriale ?
- C'était mon choix. Quand j'ai commencé à l'écrire, quand j'ai commencé à regrouper les différentes choses que j'avais écrites et que j'ai commencé à le regarder comme le Livre de toutes les Heures, j'y ai pensé initialement comme à un gros livre. Mais plus le temps passait, plus j'y travaillais, plus je m'apercevais que cela marchait mieux en deux livres.
Il y a probablement beaucoup de gens qui vont penser que c'était une décision de la part de la maison d'édition. Mais ce n'est pas du tout ça. Ce fut entièrement mon choix, parce que j'ai réalisé que c'était l'histoire de choses se désagrégeant, puis de choses à nouveau réunies. La destruction et la résolution, c'étaient deux histoires différentes. Pour moi, ce ne sont pas deux parties d'un livre, ce sont deux livres. L'un est Vélum, l'autre est Encre. Et tous deux sont les deux composants qui font un texte. C'est le papier et l'écriture dessus. Et thématiquement et intellectuellement, en termes d'intrigue, j'ai le sentiment que ce sont deux histoires séparées qui devaient être racontées séparément, mais une fois ajoutées, elles développent quelque chose de beaucoup plus grand. - Comment et quand avez-vous travaillé sur Encre ?
- Vélum et Encre ont été écrits quasiment en même temps. Je travaillais sur les deux simultanément. J'ai conclu Vélum en premier et j'ai passé ensuite un an, voire un peu plus, à finir Encre. La plupart de ce qui a été écrit pour Encre l'a été en même temps que j'écrivais sur Vélum.
- Pouvez-vous nous donner un aperçu des auteurs qui vous ont influencé le plus, est-ce que parmi eux figurent des Français ?
- Malheureusement pas. La culture britannique est vraiment mauvaise pour les traductions, il y a si peu de traductions du français vers l'anglais, si peu de choses traduites de n'importe quelle langue vers l'anglais.
En matière d'influences, elles sont trop nombreuses pour toutes les mentionner. La plus importante est celle de James Joyce. Et l'idée centrale du livre, le Livre de toutes les Heures est un vol presque complet du Necronomicon de Lovecraft et du Livre de Sable de Borges. Tu prends ces deux-là ensemble, la pulpe de l'horreur et du « weird », l'idée du Necronomicon, et tu ajoutes le réalisme magique du Livre de Sable et voici d'où vient le Livre de toutes les Heures. - Qu'est-ce qui est à vous à la fin, si vous avez tout volé ? (rires)
- Ce qui est à moi ? (pause) C'est difficile à dire. Je ne sais pas. (pause) C'est difficile de regarder le tout et de ne pas voir ce que vous devez aux autres écrivains, même quand les gens vous disent qu'ils n'ont jamais lu rien de pareil. Ce qui est le plus à moi est probablement l'idée centrale que j'ai inscrite dans le prologue. Il y a toutes ces histoires concernant ce livre, ce qu'il contient. Une personne dit ceci, une histoire raconte cela, une autre raconte qu'il contient tout ce qui a été écrit et tout ce qui sera jamais écrit, une autre qu'il contient toutes les cartes du multivers, une vision est qu'il s'agit des plus grandes vérités de l'univers rassemblées en une seule phrase. Et il y a cette ligne où l'écrivain, à ce moment-là, dit avoir découvert cette phrase en trois mots. Ces trois mots sont
Les gens meurent.
Je pense que ceci est mon addition personnelle.
Ce n'est peut-être pas original, parce qu'il s'agit, par certains côtés, d'une vérité banale, c'est parfaitement évident. Les gens meurent, c'est très simple, c'est impossible à nier. Mais personnellement, je pense que si vous comprenez les ramifications de cela, eh bien... Ces trois mots sont comme de jeter une pierre dans la mare. Les ondes se propagent. La pierre est petite, mais les conséquences sont massives. Et si vous comprenez émotionnellement que les gens meurent, ce que les gens sont et ce que la mort est, comment ces deux choses interagissent. Comprendre cela, c'est vraiment difficile d'en faire le tour. Ce qui semble être une phrase toute simple se révèle être un panorama incompréhensible et inconcevable de la réalité. - Essayons d'être un peu plus joyeux à présent. Que pensez-vous du succès du Livre de toutes les Heures ?
- C'est vachement cool ! Je ne peux pas me plaindre, les réactions ont été putain d'extraordinaires. Je ne m'y attendais pas du tout. Lorsque je l'écrivais, je ne m'attendais pas du tout à être publié. L'histoire est franchement expérimentale. C'est très compliqué et assez élitiste. C'est stupidement, follement ambitieux. Je veux dire, j'ai écrit ce putain de foutu livre, en essayant de parler de la nature de la réalité, de la nature de la conscience humaine. Mais j'ai juste pensé, allez vous faire foutre, je vais le faire. Et je ne m'attendais pas une seule seconde à me faire publier ou même d'avoir une réaction enthousiaste, des gens disant
Oh, c'est génial, nous aimons ça
. J'ai donc été un peu emporté par les réactions des lecteurs.
Et c'est ce qui est bien d'un certain côté... Une partie du lectorat a penché du côté deNous n'aimons pas ça, nous n'en voulons pas, ce que nous aimons, c'est lire de la fantasy, de la science-fiction traditionnelle, ça c'est prétentieux, nous détestons ça, c'est un non-sens
. Et l'autre moitié des critiques étaitC'est ambitieux, c'est intéressant
. Et il semblerait que ce soit assez séparé en deux moitiés égales. D'un côté, il y a les critiques, des critiques professionnels, une moitié est conquise, l'autre déteste. De l'autre côté, sur certaines critiques Amazon, vous verrez des choses commeJ'ai lu 50 pages, je me suis ennuyé, c'était le bazar. C'était de la merde.
Mais il y a aussi cette fillette de quatorze ans du Massachusetts qui m'a écrit en disantJ'ai lu votre livre, je n'ai pas tout compris mais ça a marché pour moi.
Pour moi c'est très important parce que c'est ce que je voulais faire, avoir quelque chose d'intelligent et d'astucieux, difficile peut-être, mais qui reste accessible à un niveau instinctif, quelque chose que les gens puissent lire et penserPeut-être que je n'ai pas compris cela à la première lecture, mais j'ai envie de le lire à nouveau et je veux comprendre.
Cette fille de 14 ans, sa réaction, c'est exactement ça.Je n'ai pas tout compris, mais j'ai aimé et je compte le relire.
Ouais, c'est plein de termes complexes, de thèmes et d'idées compliqués, mais il y a aussi des nefs volantes qui explosent, le genre de trucs cools. L'exemple que j'utilise toujours est le roman Catch 22 par Joseph Heller. C'est une fiction sur la seconde guerre mondiale. Le livre est non linéaire, complexe mais pourtant c'est quelque chose d'instantanément accessible parce que c'est drôle. Voilà la clé, c'est drôle. Vous savez, juste parce que vous voulez quelque chose d'astucieux et d'intelligent, ça ne veut pas forcément dire que vous devez être lourd et solennel. Cela peut être drôle, assez bizarre, étrange... N'importe quoi qui rende les gens intéressés. Et c'est exactement mon attitude. Je veux que les gens puissent découvrir Vélum et Encre depuis n'importe quel chemin de vie. Je veux être ouvert car à quoi sert de prêcher les convertis ? Un écrivain de classe moyenne, d'âge moyen écrivant pour des gens de classe moyenne, d'âge moyen ? Non ! Vous devez avoir envie d'écrire pour la classe ouvrière, les gosses, les adolescents, les personnes âgées, tout le monde. - C'était votre principale motivation quand vous avez commencé à écrire ces livres ?
- Oui ! Ça ne sert à rien d'écrire pour des gens qui vous pensent déjà comme vous. Ceux que vous voulez vraiment atteindre, ce sont les gens qui ne pensent pas pareil. En particulier avec Vélum, ce que j'avais toujours en tête, c'était qu'il y aurait un gamin, quelque part dans le Middlewest américain, qui n'aurait pas d'espoir. Peut-être qu'il lit de la bonne grosse fantasy ou des fictions populaires, mais ça ne raconte pas vraiment son histoire - en fait, peut-être que je repense au type d'enfance que j'ai eu - et je voulais écrire pour cette personne et lui donner une histoire où il puisse se dire
Oh merde, c'est moi, c'est mon histoire, voilà quelque chose auquel je peux m'identifier, quelque chose qui a un sens pour moi.
Et ce n'est pas de l'heroic fantasy fantastique traditionnelle, c'est quelque chose qui va le remuer. - Ma réaction est de me demander alors pourquoi ne pas avoir choisi des personnages qui ne sont pas blancs ? Par exemple, Phreedom ou Thomas ne sont pas noirs ?
- Il y a une petite correction à apporter ici. Thomas, une de ses versions, puisque son histoire est racontée au travers les différents plis du multivers - comme le Multivers de Michael Moorcock, le Vélum a de nombreux plis dans lesquels l'histoire se déroule. Donc, dans certains plis, il est noir. Je dois admettre néanmoins que la plupart de mes écrits suivent ma perspective propre, ma perspective d'Écossais. Je parle de la première guerre mondiale, du Red Clyde (NdT : un mouvement ouvrier luttant pour la protection des droits durant la première guerre mondiale en Écosse) et de ce genre de choses. Finnan par exemple, son côté Irlandais fait intégralement partie de lui. Jack Carter est un officier anglais des années 1930. Et Phreedom vient d'une certaine culture. Il était difficile pour ces personnages d'être noir.
- Bien sûr. Cependant corrigez-moi si j'ai tort, mais Phreedom est plutôt typée américain, une jeune fille perdue au milieu des États-Unis. Elle, elle aurait pu être noire ?
- Ouais, elle aurait pu... Je suppose. (pause) En fait, ce n'est pas spécifié qu'elle est blanche. Il n'y a pas de précision sur la couleur de sa peau. Peut-être qu'il y a une chose qui indique qu'elle est blanche puisqu'elle a les cheveux roux, et je pense qu'elle se définit comme une « trailer trash » (NdT : expression servant à désigner des gens très pauvres aux États-Unis, en référence à leur habitat dans une caravane (trailer) dépourvue de tout confort). Mais pour être honnête, je ne sais pas. Si un lecteur veut faire une projection, veut la lire comme un personnage noir, pourquoi pas ? Mais ce n'est pas l'image que j'ai en tête, la fille gothique des caravanes. Et elle et Thomas sont aussi dans cette histoire de première guerre mondiale. Je visualise la plupart des personnages comme assez identiques quel que soit le pli, à part Thomas qui est un peu plus fluide par nature.
- Est-ce que le succès de Vélum a changé votre conception de l'écriture ?
- Cela a certainement changé mon attitude théorique. J'ai, on peut dire, traversé une grosse crise de confiance. Les écrivains peuvent avoir une mentalité complètement tordue. D'un côté, vous avez vraiment envie d'être acclamé. Mais de l'autre, la raison pour laquelle vous souhaitez être écrivain plutôt que rock star, c'est parce que vous voulez rester dans les coulisses. Vous ne voulez pas être le centre d'attraction. Tandis qu'un musicien est sur scène, se produisant pour une audience réelle, l'écrivain se dissimule, il est complètement caché. Thomas Pynchon, personne ne l'a jamais vu. J. D. Salinger, un reclus complet. Je pense qu'il y a une sorte de schizophrénie chez les écrivains qui oscillent entre ces deux états.
Quand Vélum a décollé, j'ai commencé à questionner pourquoi est-ce que je le faisais. Parce qu'avec le succès, vous entendez des choses comme :C'est la meilleure chose jamais écrite. C'est magnifique, c'est génial.
OK, c'est bon, mais ce n'est pas si bon. Bien sûr, une partie de moi pense que c'est la meilleure chose jamais écrite parce que vous avez besoin de ce niveau d'arrogance absolue et de foi stupide en vous-même. Mais en même temps, vous avez le revers qui est le doute de soi le plus complet. Et puis vous avez envie de défier n'importe quoi. Et plus les gens disentC'est génial, c'est magnifique.
, plus vous réagissez à l'opposé. Le plus vous pensezHum, peut-être que ce n'est pas si bon.
Et lorsque vous obtenez le succès, l'attention et le respect, c'est alors que vous commencez à réévaluer votre entière motivation. Je pense que vous pouvez devenir paranoïaque et restez bloqué là-dessus. Cela peut être extrêmement destructeur. Je peux comprendre totalement pourquoi les musiciens ou les stars avec un peu de succès deviennent autodestructeurs. Vous ne pouvez pas accepter les félicitations que vous voulez, parce que si vous acceptez quelque chose commece livre a changé ma vie
alors c'est trop pour votre ego. Vous devez être prudent. Ce qui vous conduit à : okay, si j'accepte ça, peut-être que la vraie raison à mon écriture est parce que je souhaite que quelqu'un vienne me voir en disant ça. EtOh mon Dieu ! Tout ça n'était que pour la frime.
Vous finissez par vous battre avec vous-même à ce sujet :J'ai fait tout ça pour cette raison.
Cela peut être vraiment paralysant et horrible. - Vous vous en êtes sorti ?
- Ouais, (sourire) je pense que oui. Bien que je pense que la plupart des écrivains à qui vous pouvez parler vous diront qu'ils sont terrifiés à l'idée d'être découvert. Quoi que vous écriviez, et qu'importe la foi que vous avez dedans, cela sera toujours moins puissant pour vous que pour quelqu'un d'autre. Et si cette personne vient à vous en disant
C'est terriblement puissant
, cela vous inquiète. Vous ne dépasserez jamais le fait que d'autres personnes sont plus touchées par votre travail que vous. Parce que vous le regardez objectivement. - Mais peut-être que cette personne la voit de manière objective, de son point de vue.
- Oui, mais pour vous, ils essaient une machine que vous avez construite. Cela peut être une chose étrange et étonnante. Mais vous savez exactement comment cette machine marche. Donc, pour vous, il n'y a pas ce côté merveilleux. Elle n'a pas cette qualité mystique. Et cela ne se peut pas. Tout ce que vous pouvez faire c'est la regarder et dire
Eh bien, je suis un ingénieur, j'ai construit une machine qui fait ceci et cela.
Mais pasC'est magnifique et incroyable ! Elle fait cette drôle de chose...
C'est seulement une machine qui fait son travail. - Pas conséquent, êtes-vous stressé pour votre prochain livre ?
- Non, pas trop. J'ai dépassé le stress. Le deuxième livre Encre, qui conclu Vélum, était assez difficile. Je devais le finir, mais j'avais cette sorte de crise du
Oh mon dieu, c'est à présent pour de vrai.
J'écrivais Vélum pour mon propre compte, je n'avais même pas l'idée de la possibilité d'un contrat. Et quand je suis arrivé à la fin de Vélum, j'étais sous contrat. J'avais donc les éditeurs qui attendaient Ink. De l'argent avait été versé. Vous pensez donc :Si je ne le fais pas, je vais devoir rendre l'argent.
C'est à ce moment que la pression arrive d'un bloc. Et aussi comme le premier avait été un tel succès, vous vous demandez si le second aura le même effet. Est-ce que les gens dirontC'est de la merde ?
Mais je m'en suis sorti. À présent, je suis OK. - Et maintenant pour conclure cette interview, quelle est votre opinion à propos d'Internet. Est-ce qu'il s'agit d'une obligation pour un auteur de nos jours, est-ce que cela a été utile pour créer un buzz autour de votre livre ?
- Je ne dirais pas que c'est nécessaire pour un auteur. Mais certainement, cela peut être énormément bénéfique. Certainement, je dirais que le succès de Vélum s'est construit sur le bouche-à-oreille. Et de nos jours, ce bouche-à-oreille passe par Internet. Critiques ou simplement blogs. Internet bouge en permanence. Vous avez les écrivains qui bloguent, qui lisent les blogs des uns et des autres et qui commentent sur d'autres blogs. C'est comme d'être au bar ou à une convention. Il suffit juste qu'une personne dise
J'ai découvert ce livre et il est génial.
Et qu'il le passe à la personne suivante. Internet marche de la même manière. Je pense qu'une grande partie du succès de Vélum se base sur ce bouche-à-oreille. Certains écrivains américains de science-fiction et de fantasy en ont entendu parler, ont vérifié et ont commencé à passer le mot. - Et vous-même, avez-vous un blog ou un site web ? Vous connectez-vous avec beaucoup de gens ?
- Ouais, je lis tout un tas de blogs. Je sais que c'est vraiment de la procrastination. En théorie, je devrais écrire mais à la place je lis des blogs. Et je tiens un blog personnellement. Je n'y poste pas de manière régulière, mais mes posts peuvent atteindre 5000 ou 10000 mots. Je suis vraiment terrible. Je peux ne rien dire, pas un mot en deux semaines, et d'un seul coup... Bang ! Un bon poste bien gras. Je l'utilise principalement comme un moyen pour développer des idées sur la fiction, pour critiquer les concepts de l'écriture. Je ne ferais pas l'affront de parler d'essais, mais il y a beaucoup d'entrées qui touchent à l'essence de la science-fiction et de la fantasy.
- Eh bien, merci pour votre temps et pour vos réponses.
- Merci.
Interview réalisée et traduite par Luigi Brosse
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