Tout d’abord, il serait bon de préciser que Superior, même si cela n’est pas forcément complètement évident à la lecture du résumé, est principalement un shôjo, c’est-à-dire un manga s’axant sur une relation entre deux personnes, voire plus (les triangles amoureux étant souvent source d’une plus grande richesse scénaristique). Néanmoins, ce shôjo prend place dans un univers médiéval-fantasy, ce qui est plutôt rare. Ainsi l’héroïne Sheila s’avère être le Roi des Démons, dirigeant suprême des monstres, qui décime à tour de bras les humains. Son pendant mâle est le Héros, représentant des humains combattant les monstres et dont le but ultime est d’anéantir le Roi des Démons, dont il ignore bien sûr l’identité. Cet univers fantasy est donc omniprésent dans le manga, et va rappeler en partie les RPG (Role Play Games), auxquels il est d’ailleurs fait un clin d’œil au début du premier volume avec les indications des caractéristiques des monstres rencontrés, mais également d’autres mangas fantasy, tel Slayers.
Si l’univers et son background sont très bien amenés et semblent très naturels, voire familiers, à la lecture, il n’en est pas toujours de même avec le côté relationnel des personnages. On retrouve parfois quelques défauts souvent rencontrés dans les shôjos, comme certains sentiments qui semblent apparaître comme par miracle. Par exemple, l’héroïne tombe tout à coup folle amoureuse du Héros juste après l’avoir rencontré, mais en semble tout aussi surprise que le lecteur, comme si l’auteur savait où il désirait emmener son histoire, mais ne désirait pas s’attarder sur le chemin à prendre. Mis à part cela, Superior, comme de nombreux shôjos, s’attarde beaucoup plus sur les sentiments et les convictions des personnages que les mangas habituels. Il est donc très agréable d’avoir des personnages persuadés du bien fondé de leurs convictions, appuyés par un raisonnement construit et réfléchi, et essayant de rallier les autres à leur suite. Cela rend les héros de Superior particulièrement attachants, et le lecteur ne peut que se demander s’ils parviendront au bout de leur quête. Sans assurer un suspense haletant, l’auteur réussit à maintenir l’attention, et à donner réellement envie de lire la suite, et de rester encore quelques instants dans un univers attachant et intriguant.
De plus, la couverture soignée ne gâche pas ses promesses. Les dessins sont fins, harmonieux, et détaillés. Il est très agréable visuellement de lire ce manga. Les personnages sont facilement distinguables, les mouvements mais aussi les scènes fixes sont bien rendus.
Par ailleurs, aucune longueur ici. Les scènes sont souvent coupées par des interludes humoristiques, parfois dessinés en SD (Super Deformed). L’humour est d’ailleurs omniprésent tout au long de la lecture, allégeant l’histoire et permettant également d’instaurer l’impression d’une ambiance chaleureuse voire familiale entre les personnages principaux.
DAns le volume 2, Ichtys, l’auteur de Superior, développe les raisons qui ont poussées l’héroïne à incarner le terrifiant Roi des Démons, et celles qui la poussent à toujours plus se rapprocher du Héros. Ainsi elle s’avère plus humaine qu’elle-même ne l’aurait imaginée, emplie de doutes, et tiraillée entre la vie, le comportement naturel qu’elle a eu jusqu’à cette rencontre et les nouveautés apportées par le Héros, qu’elle va chercher à comprendre et à adopter petit à petit. Ce qui rend intéressante cette réflexion et cette évolution dans son comportement est la puissance physique et magique de Sheila, qui lui permettraient tout à fait de suivre son propre chemin, indépendamment de ce que pense le Héros. L’auteur ne nous présente donc pas un personnage suivant un leader, puissant, charismatique, et s’imprégnant au fur et à mesure des convictions de ce dernier, mais une personne ayant totalement le choix et optant pour suivre une idée, une pensée, qui lui plaisent, et qu’elle aimerait elle aussi voir aboutir. Seulement, Sheila est-elle totalement convaincue du bien fondé de la doctrine du Héros ?
— Aya Sakuraba
