Qui aurait pu penser se laisser prendre au piège d'un shônen d'heroïc fantasy tout ce qu'il y a de plus classique (en apparence ?) en 2015 ? Et pourtant, c'est bien le cas avec The Seven Deadly Sins de Nakaba Suzuki, qui officie à la fois au scénario et au dessin de cette série née dans les pages du Weekly Shōnen Magazine fin 2012.
Tous les ingrédients sont pourtant là : un personnage principal plus mystérieux qu'il n'y paraît, une princesse au coeur pur, une série de compagnons avec chacun une fonction précise mais aussi une petite surprise liée à leur passé, des ennemis puissants et très méchants, un cadre bien mis en place mais sans réelle complexité, une bonne louche de fan service, un peu d'humour, des techniques martiales à la pelle et même un tournoi pendant un temps... Difficile de savoir précisément si l'auteur est avant tout un amoureux du genre, lui qui a grandi avec dans les années 80/90 ou s'il y a tout de même un fond de cynisme dans sa démarche - à moins qu'il ne fasse qu'appliquer une logique froide et efficae à son plan -, mais une chose est sûre : ça marche.
The Seven Deadly Sins n'est pas exempt de défauts et s'avère même loin de tutoyer la perfection. Mais toutes ses tares éventuelles (des justifications parfois taribiscotées question logique interne, des retournements de situation au-delà de l'incroyable, des seconds rôles inégaux, etc...) ont toutes quelque chose de finalement attachant. On se rend bien compte que certains moments pourraient être mieux gérés, que certains personnages sont un cran en-dessous des autres, mais... le tout se voit toujours compenser par un élément ou un autre nous faisant oublier ces désagréments. Mieux, l'ensemble se montre tellement sympathique qu'on ne peut que fermer les yeux.
A vrai dire, le manga ne se contente pas pour autant d'une resucée des classiques du genre ou de clins d'oeil plus ou moins subtils à leur égard. Derrière chaque ressort comique un peu gras, chaque rebondissement un peu trop gros en principe pour que ça passe, on retrouve en parallèle quelques soupçons d'originalité mais aussi la preuve via la trajectoire globale de l'histoire ou l'épaisseur apportée au fil du temps aux Sins (qui tour à tour ont droit à leur propre histoire, sans redite et parfois bien plus sombre que ce que l'on aurait pu imaginer en entamant cette lecture) que l'auteur est avant tout malin, malin dans le bons sens du terme.
Il faut dire un mot sur l'adaptation du début (enfin, d'une bonne partie) du manga, une adaptation en anime (en attendant la saison 2) qui bonifie son oeuvre de base en laissant de côté des passages pas forcément utiles, sans parler des plus-values comme la mise en musique très réussie de la saga. Cette adaptation a évidemment tendance à nous rester en tête à l'heure de juger de son support d'origine, dont la parution française n'a pas encore tout à fait rattraper ledit anime. Mentionner son adaptation est aussi l'occasion d'aborder la dimension graphique du manga. Si la patte de l'auteur demeure souvent là aussi dans les clous tout en piochant à droite à gauche question influences, on retrouve aussi de vrais efforts, par exemple dans les détails graphiques des armures des chevaliers sacrés, forcément simplifié dans la version en mouvement. Au bout du compte, Nakaba Suzuki sait gérer aussi bien la dramaturgie de son récit que les phases d'humour (avec le personnage de Hawk le cochon notamment) ou d'action pure et dure, à l'image des derniers tomes en date et notamment du 12. Parfois, on peut avoir l'impression que c'est facile, certes. Mais c'est aussi car l'auteur sait rendre le tout justement facile, fluide, haletant. Une vraie réussite.
En espérant bien entendu que le manga ne perde pas le fil de son succès, comme souvent quand on commence à dépasser les 30 ou 40 volumes par la suite... Ce n'est en tout cas pas le cas en frisant maintenant les vingt volumes, une barre toujours difficile à négocier. Par chance, l'auteur semble avoir encore de la matière à revendre ! Et, pour le moment, quand je lis The Seven Deadly Sins, j'ai l'impression d'avoir de nouveau 12 ou 14 ans et d'aller chercher le tome suivant de mon shonen favori chez le libraire installé à côté du collège, avec impatience et enthousiasme, après deux mois d'attente insoutenable.
Et c'est tout ce que je lui demande !
— Gillossen
