Voilà l'une des sensations fantasy de ces derniers mois aux Etats-Unis (mais publiée initialement en Angleterre, pour l'anecdote), qui a su faire parler d'elle des deux côtés de l'Atlantique avant même sa sortie, ne serait-ce que du fait du mode de rédaction du roman !
Encore une fois, comme souvent avec les romans qui font le buzz, celui-ci se révèle-t-il à la hauteur de sa réputation flatteuse ? Oui et non.
Oui, car Peter V. Brett a su créer un véritable univers, avec ses codes et une histoire crédible, mais surtout, une histoire très facilement accessible. Pour preuve, votre humble serviteur a lu pour l'occasion les 300 premières pages du roman d'une traite, ne s'arrêtant alors à cet instant que par pure obligation. Sur le plan des personnages, nombreux sont ceux qui nous sont immédiatement sympathiques, voire attachants, un Ragen ou une dame Elissa en tête. En somme, sur bien des plans, que dire si ce n'est : vite, la suite !
Mais tout n'est donc pas positif. Au niveau des personnages justement, le jeune Arlen demeure pour l'essentiel franchement en retrait, trop prévisible, presque agaçant à plusieurs reprises. D'autres, même s'ils n'ont finalement pas forcément un rôle très bien important – bien que parfois fondateurs, sont tout simplement des clichés ambulants, sans réelle épaisseur. Ce sont avant tout des figures fonctionnelles dont on sent à l'évidence qu'elles ont pour unique but que de faire avancer le récit dans une direction voulue.
Le roman, du moins une bonne première moitié de celui-ci (tandis que, malheureusement, d'un autre côté, le dernier tiers semble se précipiter quelque peu sans raison apparente), pâtit sans doute là aussi d'un ton presque littérature jeunesse en dehors de quelques éclats de noirceur brute, car le récit se veut clairement initiatique. Un récit d'apprentissage comme l'on en connaît déjà tant en fantasy, du fait avant tout de l'âge de ses protagonistes principaux, au sortir de l'enfance – avec tout ce que cela implique – durant les premiers temps du livre.
Certains passages, bien que réussis par ailleurs, semblent ainsi n'être que des étapes obligées sans réelle saveur propre. C'est en fait l'un des autres reproches que l'on pourra faire au roman, mais pas seulement à celui-ci.
Cette année, plusieurs premiers tomes signés de nouveaux auteurs, ont mis en avant des plumes, telles que Brett mais aussi quelque part un Brent Weeks nerveuses et souvent non dénuées d'une certaine ironie, laissant aussi une grande part à l'action, mais finalement assez interchangeables. Pour prendre les deux noms cités, on pourrait très bien les intervertir sur les couvertures de leur roman respectif, et l'on serait sans doute bien embêté pour ce qui est de les différencier.
Ce qui ne doit pas nous faire mettre de côté les qualités manifestes de cet Homme Rune, qui ravira sans doute plus d'un lecteur, sans pour autant révolutionner en rien cette terra incognita que devrait toujours rester la fantasy.
— Gillossen