Stonewielder serait-il le déclic tant attendu d’Ian C. Esslemont ? C’est en tout cas une impression générale très positive qui se dégage de ce troisième roman malazéen du collègue de Steven Erikson.
En effet, après un Night of Knives plutôt anecdotique et un Return of the Crimson Guard sympathique mais pas exempt de gros défauts, Esslemont nous offre avec Stonewielder un roman mieux construit, moins brouillon et surtout bien plus captivant.
En restreignant le nombre de points de vue tout en en gardant assez pour avoir un aperçu panoramique de Korel, un continent que l’on découvre en détail pour la première fois, l’auteur évite le joyeux bazar de son roman précédent et trouve une clarté qui correspond bien mieux à son style. Les évènements s’enchaînent alors avec beaucoup plus de fluidité et le lecteur n’est plus laissé sur le bord de la route.
On a ainsi l’impression qu’Esslemont s’affirme et trouve enfin sa voix, clairement différente de celle d’Erikson. C’est d’autant plus agréable que l’on peut maintenant déclarer cela sans une pointe de regret, sans cette petite mesquinerie qui avant nous faisait dire : « Si seulement Steven Erikson s’en était chargé… ». Certes, on ne retrouve pas le souffle et les différents niveaux de lecture des écrits d’Erikson, mais ce qu’Esselmont perd en profondeur, il le gagne en rythme. C’est bien simple : pas une seule page de Stonewielder n’est superflue et chaque évènement décrit est là pour faire avancer l’intrigue. Une intrigue d’ailleurs très solide, remplie de mystères, de batailles épiques et de personnages charismatiques qui, alliée à ce rythme effréné, donne un roman difficile à reposer une fois entamé. On regrettera simplement une fin un peu précipitée, en espérant des éclaircissements sur certains points dans les prochains tomes.
Par ailleurs, l’évolution du parcours d’écrivain d’Ian C. Esslemont est particulièrement flagrante si l’on s’intéresse aux personnages et à leurs dialogues. Des protagonistes comme Kiska, Kyle ou Rillish, que l’on avait rencontrés dans les deux tomes précédents sans vraiment s’y attacher, ont maintenant de quoi devenir des personnages beaucoup plus emblématiques de l’univers malazéen. Leur avoir donné la parole avec un style beaucoup plus naturel n’est sûrement pas étranger à ce fait.
Enfin, autre agréable surprise, l’auteur canadien s’attaque à un aspect très présent dans l’œuvre d’Erikson mais encore trop rare dans ses propres livres : l’humour, absurde notamment. Et avec l’introduction de Manask, un voleur à la subtilité déconcertante, Esslemont prouve qu’il est aussi à l’aise dans ce genre que son grand ami.
Vous l’aurez compris, Stonewielder s’impose comme le roman malazéen que l’on souhaitait lire de la part d’Ian C. Esslemont depuis la parution du premier tome de son cycle : un livre à l’approche différente de celle de Steven Erikson, plus axé sur l’action, qui vient certes enrichir la mythologie du Livre malazéen des glorieux défunts mais n’en oublie pas moins d’exister comme un tout cohérent en dehors de l’ombre de la saga qui le précède.
— Merwin