Felix Gilman n’avait pas initialement songé à écrire une suite à son Thunderer, mais bien lui en a pris, car l’imprévu lui réussit manifestement. Et les amateurs d’urban fantasy colorée et teintée – très légèrement – de steampunk en seront par ailleurs ravis.
Il faut dire que le personnage d’Arjun, et son usage de la musique, se révèlent toujours aussi fascinants, bien que les années aient passé dans la mythique et merveilleuse cité d’Ararat. Et il faut dire aussi que l’auteur tient là un concept et un personnage principal forts et profonds.
Et Arjun n’est pas tout seul, à l’image de Ruth ou du mystérieux Shay, quand d’autres visages on purement et simplement disparu… Toujours en quête de son dieu, Arjun semble toutefois ne plus vraiment être le même, et ce changement d’attitude pourra sans doute dérouter. De fait, les personnages et l’ambiance semblent prendre le pas sur l’intrigue, d’autant que celle-ci n’avance pas à un rythme particulièrement soutenu (ce qui se ressent surtout dans son deuxième tiers). Les amateurs d’heroïc fantasy pure et dure à la quête et aux enjeux clairement définis peuvent passer leur chemin, mais c’était déjà le cas avec Thunderer.
Si vous êtes en terrain connu, c’est que vous êtes évidemment déjà sensible au charme de la prose de l’auteur, à la fois âpre et délicate. Celui-ci prend son temps, et la « prise de conscience » d’Arjun ne se révèle que plus frappante, même si un peu en deçà de ce que l’on se plaisait à imaginer. Le lecteur qui a choisi de revenir veut des réponses sur les mystères qui planaient déjà précédemment, et Felix Gilman ne joue pas les ingrats.
Outre le rythme, certains pourraient se montrer déçus par Ararat elle-même, cité quelque peu plus en retrait cette fois. Et l’intrigue principale du roman vaut parfois plus par ses à-côtés (voire ses surprises) et sa mise en scène, notamment à travers les dialogues, que par l’implication qu’elle génère chez le lecteur.
Mais que l’on reste soi-même un peu en retrait ou pas, difficile de nier le talent de l’auteur, à l’inventivité bouillonnante.
— Gillossen