Don't judge a book by its cover, dit-on (et on peut le dire aussi en français). Certes, l'habit ne fait pas le moine. Mais il y a des couvertures qui vous accrochent immédiatement et vous donnent irrémédiablement envie d'en savoir plus, de se laisser emporter dans un tout autre monde, de bruit et de fureur. C'est précisément le cas de ce premier roman, la grosse sortie fantasy de Orbit UK en ce début d'année 2012. L'éditeur avait d'ailleurs organisé une semaine spéciale sur son blog afin de faire monter la pression autour de cette parution.
Alors, bien sûr, partir avec un a priori positif ne garantit rien. Surtout qu'en se penchant sur la quatrième de couverture de l'ouvrage ou bien sur ses extraits publiés en ligne, on pouvait déjà se dire que celui-ci ne remporterait pas le grand prix de l'originalité. Et une fois le roman lui-même ingurgité, il faut bien se rendre compte que notre intuition première était la bonne : John R. Fultz a écrit ici le premier tome d'une trilogie (et là, tout est dit !) de fantasy épique qui joue avant tout la carte d'un retour aux fondamentaux du genre. Pas plus, pas moins.
Mais l'auteur le fait avec une générosité de tous les instants qui aboutit donc à une lecture diablement fun. Prenons quelques noms tirés de la toute première page du roman : Yaskatha, Trimesqua, Elhathym, D'zan... Le ton est donné. Oui, c'est bien ce genre de romans de fantasy. Un roman aussi riche en noms exotiques qu'en créatures fabuleuses. Préparez-vous à en croiser un bon paquet de chapitre en chapitre, pour ne pas dire d'une page à l'autre.
L'intrigue en elle-même fait au plus simple, avec son monde à sauver du chaos grâce à l'alliance de sept princes (quelle surprise !) et les personnages eux-mêmes sont esquissés juste ce qu'il faut pour prendre vie, sans pour autant se révéler unidimensionnels. Chacun joue ici en fait le rôle qu'on attend de lui. Ni plus, ni moins, là encore.
Fultz ne cherche donc pas à faire compliqué et les motivations de ses personnages sont aussi évidentes que percutantes. Cette simplicité contribue à donner au récit un rythme des plus soutenus, avec en moyenne un rebondissement de plus ou moins grande ampleur toutes les 10 pages. On sent bien que l'auteur aime ce qu'il fait. Un peu trop peut-être : sur la longueur, on finit par se dire que quelques passages auraient sans doute pu être élagués de la version finale.
Pour en revenir à l'auteur, celui-ci se dit grand amateur des écrits de Tanith Lee ou Lord Dunsany. De bien belles références. Qu'on ne retrouve pas vraiment sur la forme. John R. Fultz se dit également fan du travail Frank Frazetta : voilà déjà une comparaison plus parlante, tant certaines scènes semblent littéralement sorties d'une peinture du célèbre artiste. Et si certaines descriptions frisent le pastiche, l'auteur n'en est pas moins sincèrement attaché à ce type de représentations.
Bref, si vous êtes amateurs de récits bigger than life, de romans au bestiaire aussi varié que généreux, de quête épique dans un univers coloré, de lutte manichéenne entre le Bien et le Mal, ce roman devrait grandement vous divertir, voire vous combler.
Le tout en gardant bien à l'esprit que l'on est loin de la veine terre-à-terre des auteurs récemment apparus et célébrés ces dernières années comme Joe Abercrombie ou Brian Ruckley.
— Gillossen