Si Peter V. Brett n’a jamais possédé l’aura d’un Scott Lynch ou d’un Patrick Rothfuss aux débuts fracassants, le premier tome de son cycle des Démons, avec sa fantasy « à la papa » mais légèrement modernisée, avait su néanmoins intriguer le lecteur amateur de récits épiques aux contours sachant rester sagement balisés.
Il n’en allait pas de même de sa suite, avec en parallèle une novella toutefois sympathique. On sentait déjà que la cohérence globale s’éparpillait au fil de l'intrigue tentant de prendre de l'ampleur. Mais c’est un tome 3 que nous découvrons maintenant, après qui plus est une certaine attente, l’auteur ayant eu un peu de mal à reprendre le fil ces dernières années.
Malheureusement, c’est aussi le cas du lecteur. Au gré d'un roman particulièrement mal rythmé, Brett nous offre le pire de ses défauts, pour ne pas dire un véritable florilège. Personnages féminins creux, longueurs agaçantes (même si les flashbacks recensés s'avèrent moins pénibles que dans le le volume précédent), sans même évoquer quelques "fulgurances" qui nous entraîneraient presque du côté des platebandes d'un certain Goodkind. Pourquoi les personnages passent-ils autant de temps à palabrer pour un oui ou pour un non au lieu d'agir et de remettre cette histoire en marche ? Où est passée la guerre que l'on attend justement ? Et dire qu'il reste donc en principe encore deux tomes...
Malgré tous ses efforts, l’auteur semble avoir perdu de vue les forces de son récit pour se contenter d’accumuler les scènes sans réel intérêt mais qui frisent souvent la caricature, à l’image d’ailleurs de son illustration de couverture. Si l'action secoue enfin notre torpeur en approchant de la conclusion, c'est pour mieux retomber sur un final entre Arlen et Jardir loin de convaincre.
Qui plus est, le roman ne s’avère pas particulièrement bien écrit, loin de là, mais Brett ne s’était jamais distingué par son style auparavant. A ce niveau, il ne faut donc pas imaginer constater de quelconques progrès. Bref, si certains romans de plus de 600 pages, comme c'est le cas ici, se dévorent comme s'ils nous donnaient l'impression d'en faire 250, cette sensation ne s'avère pas de mise ici.
Si l’auteur a eu du mal à venir à bout de la rédaction de ce troisième tome, ce constat se révèle par trop évident aux yeux du lecteur, pour qui le destin d'Arlen a depuis bien longtemps perdu une bonne partie de son intérêt.
Pour ne pas dire tout.
— Gillossen