Avec L’étrange cabaret des fées désenchantées, difficile de nier que les éditions Mnémos prennent des risques, avec la parution d’un ouvrage loin des conventions du genre.
De par son format, son prix (32 euros), et son sujet même, des portraits de « fées » aux origines diverses, portraits revisitant ces figures pour certaines méconnues sous la plume d’Hélène Larbaigt, qui signe également toutes les illustrations.
C’est d’ailleurs ce mélange qui nous intrigue le plus, ces fausses affiches, programmes et autres lettres. Le coup de crayon de l'artiste, tout en rondeur, évoque évidement Tim Burton, mais on pense aussi à Kara, dans un registre plus BD.
L’ensemble possède un cachet bien particulier, inspiré par la Belle Époque ou les Années Folles, mais pas que. De Lussi la Blanche-Dormante à Circé, le lecteur découvre 12 fées aux parcours complexes et souvent mystérieuses, pas toujours attachantes mais qui nous laissent en tout cas rarement froids.
Toutefois, la prose de l’auteur ne plaira pas forcément à tout le monde, car celle-ci se révèle très travaillée, mais au point d’en devenir parfois pesante au détour d’une énième figure de style. Le mieux est l’ennemi du bien et il faudrait voir à ne pas s’emballer outre mesure devant par exemple une multitude de références le plus souvent bien digérées mais qui étouffent aussi de temps à autre la force du propos.
Avec un peu de recul, cette succession de portraits constitue à la fois une force et une faiblesse, selon votre sensibilité : amateurs de beaux ouvrages aimant flâner de page en page, vous trouverez votre bonheur, en picorant ici ou là, au gré de vos envies. Si vous recherchez avant tout une histoire qui forme un tout, et même si des thèmes forts se dessinent rapidement (l’indépendance, les regrets, la place accordée aux hommes, etc...), forcément, cet ouvrage se montre un peu à part, alternant des ambiances variées auxquelles chacun est plus ou moins sensible.
A mi-chemin entre le recueil de nouvelles et l'artbook, L'étrange cabaret des fées désenchantées se révèle en tout cas singulier, assumant fièrement sa nature même, dans une fronde presque goulue. Et c'est finalement le plus important, malgré quelques petites retenues toutes personnelles, quitte à nous enivrer au-delà du raisonnable.
— Gillossen