Fidèle à la grande tradition de la fantasy, dans laquelle il est presque impossible de créer de toutes pièces un univers secondaire destiné à un seul tome pour ne plus jamais y remettre les pieds ensuite, Victor Fleury dépoussière en ce début d’année 2019 son Empire napoléonien voltapunk pour nous offrir une « suite » à L’Empire électrique, sorti en il y a deux ans. Et pour l’occasion, Bragelonne a mis… les grands plats dans les petits, pourrait-on dire : la collection steampunk de l’éditeur se décline désormais en poche, et à l’exception de la tranche dorée, on y retrouve exactement ce qui fait des grands formats des objets que l’on est fier d’exposer dans sa bibliothèque.
Comme les guillemets du paragraphe précédent le laissent supposer, cet Homme électrique n’a pas de lien direct avec son prédécesseur, mais l’auteur tient pour acquis que l’univers est connu et ne s’embarrasse donc pas de leçons d’Histoire (alternative) ou de géopolitique. Pour s’y retrouver un minimum, mieux vaut donc se lancer à la conquête de l’Empire électrique en commençant par… L’Empire électrique.
Le format physique de cette nouvelle parution n’est pas le seul changement, et le lecteur à cette fois affaire à un « vrai » roman plutôt qu’à un recueil de nouvelles reliées entre elles par un fil rouge. En revanche, les personnages issus de la littérature du 19è siècle sont toujours au rendez-vous – à commencer par un Michel Strogoff qui joue cette fois son rôle de courrier du tsar sur une moto voltaïque que Jules Verne n’aurait pas reniée. Entre vampires transylvaniens, comtesses fictives et tueurs en série bien réels, la galerie de personnages secondaires reste jubilatoire, bien que la plupart n’aient pas la notoriété de leurs homologues de L’Empire.
Autre changement, et non des moindres : le style. L’écriture, si soignée dans le recueil, se fait ici moins légère, voire presque poussive à certains moments. L’Homme électrique souffre également d’un problème inhérent à toutes les suites, mêmes indirectes : si L’Empire, son univers, sa construction et ses personnages constituaient une délicieuse surprise, il est difficile de ressentir le même engouement quand on sait plus ou moins à quoi s’attendre…
Ceci étant, même si la surprise n’est plus vraiment au rendez-vous, L’Homme électrique se lit malgré tout d’une traite – un peu comme les plus grands Jules Verne, dont l’influence déteint clairement à toutes les pages.
— Saffron