En plein débat sur le mariage en Angleterre dans les années 1850, avec une nouvelle loi permettant aux hommes de divorcer pour adultère mais pas les femmes, un jeune William Morris - l'auteur de La Source au bout du Monde - s'insurge contre cet état de fait et ces mœurs bridant les femmes, si ancrés dans la société de l'époque - et toujours aujourd'hui ? - et retourne le mythe arthurien si cher à la littérature de son pays pour prendre la défense des femmes justement.
A travers une figure bien connue, Guenièvre et un épisode, son procès après être tombée amoureuse de Lancelot, qui d'ordinaire ne lui donne jamais la parole pour plaider sa cause. Ici, c'est donc tout le contraire, puisque la reine se défend avec feu, devant une assemblée où Arthur, présenté en creux sous un jour peu flatteur, n'a même pas jugé bon d'être présent.
Vendu à 300 exemplaires seulement à sa sortie (dont une bonne partie... rachetée par l'auteur lui-même), contredit dès l'année suivante par un autre poème cette fois signé du grand Tennyson, La Défense de Guenièvre a longtemps été mis de côté. Pourtant, le destin de Guenièvre ne cessera de hanter l'auteur, jusqu'à sa mort, comme le rappelle William Blanc dans sa passionnante présentation de l'ouvrage.
La présente traduction - présentée en parallèle du texte originale puisqu'il s'agit d'une édition bilingue - respecte l'usage de la tierce rime et le poème lui-même se révèle d'une justesse et d'une élégance tout en émotion et en retenue à la fois, parcouru d'une fièvre riche en sous-entendus et en non-dits. Il est suivi d'un second poème, bien plus court - une seule page, pour tout dire - mais très beau lui aussi, touchant sa cible en quelques strophes.
Une chose est sûre, que l'on soit expert en technique littéraire ou pas, cette première traduction du texte ne s'était faite que trop attendre. Pour 5 petits euros, on serait presque tenté de dire qu'il s'agit d'un achat indispensable, ne serait-ce que pour sa célébration de la passion libérée du poids du jugement.
— Gillossen