Après un premier tome riche en promesses, La Marche Brume revient avec Les Chimères, second volet d’un récit initiatique à la croisée du conte et de la fable écologique. Stéphane Fert prolonge son univers visuel somptueux et sa narration sensible avec un ton plus grave, malgré de rares moments plus légers.
L'album s’inscrit en tout cas pleinement dans la continuité du premier volume. Les épreuves traversées ne sont plus seulement physiques et se révèlent surtout intimes. Fert brouille les pistes, privilégiant le ressenti à l’explication, la métaphore au réalisme. Ce deuxième volume met de côté le schéma classique du voyage initiatique pour quelque chose de plus instable, fragmenté. Certaines scènes semblent flotter hors du temps (en particulier dans le dernier tiers de l'album, qui se veut, enfin, riche en révélations), d’autres se répondent en écho, laissant volontairement des zones de flou.
La narration fait confiance au lecteur, quitte à le désorienter ou à emprunter des chemins que l'on n'avait pas vus venir, pour ne pas dire plus. À condition donc d’accepter de ne pas tout saisir dans l'instant.
Le trait de Stéphane Fert continue quant à lui de flatter l'œil. Son style fait preuve d'une souplesse qui donne vie à chaque page. Les couleurs sont à la fois chatoyantes et profondes, parfois acides, parfois douces, visions surgies d’un rêve, d'un passé, oublié. Le découpage, fluide et inventif, sert une mise en scène où le regard du lecteur devient acteur du récit.
Indéniablement, Les Chimères mise avant tout sur l'émotion et la surprise, une plongée dans des zones plus sombres et plus complexes de cet univers, quitte à laisser certains de ses personnages en arrière-plan. Loin d’une suite confortable, ce deuxième tome bouscule. Si on avait refermé le premier avec un goût de trop peu, cette fois, une certaine impatience est de mise quant à la suite qui se profile, même si, au-delà de ce sentiment de curiosité, on reste encore légèrement perplexe.
— Gillossen