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Le Grimoire perdu des sorcières

Pas de couverture

Résumé

En novembre 1940, l'Angleterre est en plein Blitz. 
Personne n'est épargné : la communauté de sorcières, vivant cachée, subit de plein fouet les ravages de la guerre. L'Académie royale des sorcières décide donc de venir en aide à Churchill et missionne Lydia Polk, une jeune sorcière obstinée. Elles ont appris qu'Hitler veut s'emparer du Grimorium Bellum, un grimoire qui renferme le pouvoir le plus funeste qui soit, celui d'exterminer un peuple entier. 
Envoyée à sa recherche en France, Lydia est secondée par Henry Boudreaux, un historien de l'art, à qui la magie n'est pas totalement étrangère. Engagés dans une course contre la montre avec les sorcières du Reich, ils doivent être les premiers à trouver ce grimoire, capable de dominer le monde, avant qu'il ne soit trop tard.

Chronique

Dans ce roman, paru chez Hauteville (anciennement Milady, groupe Bragelonne), il y a des sorcières nazies. Et franchement, à la lecture de la quatrième, j’ai trouvé que ça ressemblait diablement au pitch d’un nanar outrancier, généreux dans ses excès, et de fait plutôt distrayant. Alors j’ai dit « pourquoi pas ». Mais j’ai assez vite déchanté, une fois les premières pages entamées.

Très vite, on a l’impression que la crème de l’Académie, ce sont surtout des sorcières de salon, pas du tout faites pour l’action, ni même aptes à réagir dans une situation d’urgence. Sauf Lydia, bien sûr. On peut imaginer que l’autrice joue sur l’impression d’invulnérabilité des vieilles femmes à la tête de l’institution, mais on dirait surtout un conclave spécial troisième âge qui s’ennuie, plus porté sur les commérages et les petites luttes intestines. Nous aurons alors droit à un bras de fer un peu mou entre sorcières (plus ou moins) progressistes et celles qu’on classera dans les conservatrices traditionnalistes, clairement bornées et en décalage avec la réalité de leur époque. Ça va bien sûr servir l’histoire, mais bon, ça manque un poil de subtilité, et on commence à sentir que les rails sur lesquels nous sommes lancés ont déjà été moult fois empruntés.

Après un élément perturbateur qui joue la carte du spectaculaire, on entrera dans le vif du sujet : il va falloir contrer les plans des sorcières nazies, et potentiellement leur castagner la tronche. C’est « l’avantage », si je puis dire, d’utiliser des nazis dans un récit : on peut se lâcher plus facilement sur ce qu’on va leur faire subir, cela semblera toujours plus ou moins justifié en regard de leur malfaisance. Le souci, c’est que ça fonctionne bien dans un registre outrancier, peut-être un peu moins quand on se prend au sérieux. Or, le récit oscille parfois entre les deux, apparemment de façon bien involontaire, car Morgan Ryan tient manifestement à nous servir un roman au ton tout à fait sérieux.

Bref, la première partie va servir à planter le décor et les enjeux, mais aussi à nous présenter ceux qui deviendront les side-kicks de Lydia. Malheureusement, tout ceci n’est pas très captivant. Ce n’est pas tellement la faute des personnages eux-mêmes, c’est plutôt qu’il manque un petit quelque chose pour que la sauce prenne vraiment et qu’on se sente emporté par l’histoire. 

La seconde moitié du roman laisse un peu plus de place aux personnages secondaires, avec des passages un peu plus intéressants. Mais la trame fait qu’on en reviendra aux mêmes soucis, un déroulé convenu, des ficelles parfois trop grosses, des rebondissements qu’on voit venir de très loin. 

S’il y a malgré tout une réflexion sur le pouvoir accordé aux femmes, sur la place que les hommes veulent bien leur laisser, on a en contre-pied des facilités dans le choix des motivations des nazies qui rendent les choses un peu caricaturales (« j’ai subi des traumatismes, donc ça ne me dérange pas si on massacre des innocents pour que mon sort s’améliore », bon…). De même, nous aurons droit au très classique recours à la « folie » comme justification d’actes cruels ou désespérés : un terme fourre-tout pour toute personne qui ne serait pas considérée comme « saine d’esprit ». Ça enlève toute profondeur aux personnages concernés, ça les déshumanise, et c’est intellectuellement paresseux.

Dans l’ensemble, le Grimoire perdu n’est pas mal construit, mais il est quelque part très scolaire. Et il n’y a pas ce souffle narratif qui permet de l’oublier, pas de finesse particulière qui enjolive l’ensemble. La fin est très téléphonée : on suit une partition jouée déjà mille fois, dont on peut prédire les couplets sans difficulté. On aura également droit à des mises en scène calquées sur des séquences audiovisuelles, qui à mon sens ne fonctionnent pas du tout à l’écrit – là, pour le coup, ça donne vraiment un aspect nanar au roman. Ça, plus la thématique choisie…

Côté édition, il y a aussi des choses à dire : de nombreux soucis d’italiques parsèment le roman (donc le texte n’a pas été relu après mise en page avant d’être envoyé à l’imprimerie, ce qui fait tout de même très amateur…), il y a des coquilles qui auraient donc pu être évitées, notamment une grosse faute (répétée) à « ermite » (qui s’écrit sans « h »), un passage avec une erreur sur le nom d’un personnage (sans doute présente en VO, mais qui aurait dû être rectifiée). Pour un roman publié au sein d’un groupe qui a clairement les moyens de faire les choses proprement, c’est plutôt décevant.

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