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Chris Weitz répond aux questions des fans !

Par Raven, le dimanche 9 décembre 2007 à 17:01:25

Le réalisateur de la Boussole d’Or Chris Weitz répond à vos questions, 2ème partie

Question # 1 (de Kevin):

La relation entre les gens et les daemons semble plutôt abstraite, quelque chose que j’aurais tendance à penser comme difficile à dépeindre dans un film qui, je suppose, n'a aucune narration. Comment allez-vous exposer le concept du grand tabou (une personne ne doit jamais toucher le daemon d’une autre personne) et le stress, en un sens, lorsque son daemon se déplace à une distance trop éloignée ?

Réponse :
C'est vraiment une bonne question, parce qu'elle pointe du doigt les difficultés d'adapter dans un film ce type de règles issues d'un livre. C'est facile dans un roman d'être complètement sans équivoque à propos du lien entre l’homme et le daemon, simplement en l'exposant franchement ; alors que vous avez très peu d'occasions de le faire d'une façon élégante dans un film. Présenter les relations à la fois intérieures et extérieures entre les gens et leurs daemons est ardu, elles sont si subtiles, et tenter de fournir des exemples pourrait ainsi être bancal.

La clef, je pense, est de trouver de bonnes occasions pour être plus descriptif, quand la situation le permet. Dans le film, par exemple, Lyra explique qu’il existe une chose pire encore que de toucher un autre daemon de vos mains nues. Bien que la référence soit rapide, il est évident que c'est une mauvaise chose. Quand le singe doré s’en prend à Pan, non seulement il a blessé Pan physiquement, mais il affaiblit autant Pan que Lyra. Cela montre évidemment un composant psychologique à la douleur, mais aussi l’existence d’un lien symbiotique profond, cause de la blessure réelle de Lyra. Ironiquement, bien que cette question m’ait beaucoup préoccupée, les spectateurs ont eu tendance à y adhérer instinctivement, juste par le langage visuel du film. C'est assez évident, par exemple, que, pour un enfant, perdre son daemon est une chose épouvantable. Le regard que l’on porte sur ces enfants n’est aucunement différent de celui qu’on a d'un enfant normal de notre monde. Cela tient énormément du jeu de l'acteur, aussi bien ses propres réactions que celles qu’il suscite aux autres personnages qui l’entourent. J'ai constaté qu’on n’avait pas besoin d’un maquillage de style horreur pour transmettre l'horreur d’une expérience.

Question # 2 (de Brian):

Par rapport aux trailers du film, j'ai remarqué que le tout premier teaser de la Comic Con faisait allusion à l’aléthiomètre de Lyra comme un aléthiomètre, mais que dans la nouvelle bande annonce mondiale, il est seulement appelé la boussole d'or. Le nom a-t-il été changé uniquement pour le trailer dans le but de le rendre aussi compréhensible que possible, ou en va-t-il de même au final dans tout le film ? S'il en est ainsi, avez-vous eu, vous ou le studio, une autorisation de changer le nom ?

Réponse :
Le changement a seulement été fait dans les trailers, pour rendre le scénario des trailers plus compréhensible. Dans le film, il est appelé autant aléthiomètre que boussole d'or.

Question # 3 (de Juan) :

De quelle façon Philip Pullman était-il impliqué dans la fabrication du film, et qu'en pense-t-il ?

Réponse :
Philip a été très impliqué dans la confection du film, jusqu'à ce que je devienne moi-même impliqué. D’avoir réussi à le connaître constitue l’un des plus grands plaisirs que j’ai eu en travaillant sur ce film, et pas seulement pour moi, mais pour Deborah Forte, la productrice, et pour Ileen Maisel, notre producteur exécutif à Londres. Quand il est devenu assez certain que j'allais adapter le scénario et diriger le film, j'ai envoyé un courriel à Philip pour me présenter et lui donner une sorte de compte-rendu détaillé de comment j’envisageais de faire le film. À ce stade, s'il n'avait pas été d'accord avec ce que je disais, je n'aurais pas vu l’intérêt de poursuivre le travail. J'adaptais son livre, qui s’avérait aussi être l’un de mes livres préférés, et tout cela ne marcherait pour moi qu’à la seule condition que je puisse tourner autour de la chose à la fin et m’estimer satisfait du résultat.

Ensuite, je suis resté en contact avec lui tout le temps, habituellement par courrier électronique, mais parfois en personne (pour un tour dans l’Oxford de Lyra, par exemple, afin de saisir l’atmosphère du lieu et de comprendre comment Philip l’avait perçu). Quelquefois il devait vérifier si telle chose que je traitais s’accordait avec l’idée générale qu’il s’en faisait, parfois je lui demandais conseil sur la façon de raconter l'histoire. Souvent nous passions des scènes au crible, il y a d’ailleurs deux ou trois scènes qui sont essentiellement du fait de Philip, qui ajoutent ou enlèvent un peu de didascalies à mon scénario. Philip est descendu à Shepperton pour voir les dessins de production et les costumes en cours d’évolution, et il est plusieurs fois venu sur le plateau pendant le tournage. Je dois dire que je suis extrêmement reconnaissant pour son soutien et celui qu’il a donné aux acteurs, notamment à Dakota. C’est un homme bon, ainsi ses commentaires étaient-ils toujours formulés de la façon la plus généreuse. D'habitude j'essaye d'éviter de rencontrer mes héros parce qu'ils arrivent souvent à vous décevoir, mais dans le cas de Philip cela a juste été un rapport extrêmement agréable. Je pense que, indépendamment de sa bonne nature, il reconnaît combien je me soucie de ses livres.

Dans ce sens, quant à la deuxième partie de la question, ce qu’il pense du film, vous devriez bien sûr lui demander personnellement car n'importe laquelle de mes réponses doit nécessairement être influencée ; mais il semble être satisfait du film et de la direction que nous avons pris pour rester fidèle à l'esprit du livre ; et particulièrement, je pense, au fait que le film est d'abord l’histoire de Lyra.

Question # 4 (de Edgar):

Ma question concerne la musique du film. Comment votre collaboration avec le compositeur Alexandre Desplat s'est-elle passée ?

Réponse :
Ce fut un vrai plaisir de travailler avec Alexandre, non seulement parce que c’est un compagnon extrêmement charmant et agréable, mais parce qu'il est énormément doué. J'ai été présenté à Alexandre par Ileen Maisel de New Line, qui avait travaillé avec lui sur le film Birth. Il était très sensible aux thèmes du livre et plus encore au fait que l'on devait voir le film le plus possible par les yeux de Lyra. Cela se traduit concrètement par une interaction entre grands airs orchestraux s’accordant avec les scènes grandioses du film, et des passages intimes pour les aspects enfantins, majoritaires. Je pense que nous avions les mêmes références en tête - le poids wagnérien qui caractérise la plupart des dernières productions fantasy devrait être la touche romantique, avec une élégance qui respire de temps en temps du Satie ou du Ravel. Alexandre est rompu à la musique classique autant que trempé dans l'idiome des grands classiques du cinéma, et ce film lui a vraiment offert une large palette d'initiatives. Je pense que n'importe qui qui a suivi son travail pour Birth, The Queen et Le Voile des illusions l'année dernière se rendra compte qu'il est promis à l’Oscar. J’espère que ça sera le cas pour celui-ci.

Question # 5 (de HisDarkMaterials.org) :

Le potentiel du prochain film a été quelque peu remis en cause, principalement en raison de la théorie, erronée, que les livres sont délibérément et farouchement anti-religieux, et que le but de la série était de tuer Dieu. Fait le plus marquant, la Ligue Catholique a récemment publié un article franchement zélé qui fut largement relayé par une multitude de médias. Comment réagissez-vous face à ce type de déclarations ; Philip Pullman est-il tout simplement le porte parole d’un athéisme virulent, et essaye-t-il de prendre au piège autant d'enfants que faire se peut avec son message anti-religieux ?

Réponse :
Hé les gars, un super site. Bon, je suis d'accord avec vous. Je pense que la charge qui pèse sur un Pullman voulant tuer Dieu, dans l’esprit des enfants ou de n’importe qui d’autre, est effroyablement fausse. Elle s’est appuyée sur des raccourcis faciles et sélectifs. J’imagine que Pullman est en désaccord avec certains points de vue qui existent de Dieu – par exemple, un de ses adeptes qui tue des gens en son nom. À cet égard, l'institution qui pour moi ressemble le plus au Magisterium est le gouvernement iranien. Je pense qu'il est dommage que les gens réagissent à un film qu'ils n'ont pas vu, tout en attaquant un livre qu'ils n'ont pas compris. Je pense aussi qu’A la croisée des mondes est à peu de chose près ce qui s’est écrit de meilleur ces cinquante dernières années. Qu’il soit enfant ou adulte, celui qui les lit avec un esprit ouvert arrivera probablement à la conclusion que le but des livres, s’il on doit en retenir un seul, est de promouvoir et saluer la loyauté, la bonté et le courage de suivre sa perception intime de la justice.

Question # 6 (de Darren) :

Vous avez dit je ne serai impliqué en aucun cas dans l’aseptisation des livres deux et trois pendant que Nicole Kidman a déclaré je n’aurais pas été capable de faire ce film si j'avais pensé qu'il était en tout point anti-catholique. Sans aseptiser le sujet principal des livres restants, comment pensez-vous gérer les sensibilités de Mme Kidman ?

Réponse :
Je crois que la clé à votre question est de savoir si oui ou non les livres deux et trois sont anti-catholiques. Quelques personnes, par exemple Bill Donahue de la Ligue Catholique, pensent qu'ils le sont. Ce n’est pas mon avis. Mon sentiment est que ces quelques personnes ont approché le contenu intellectuel et théologique d’A la croisée des mondes en refusant de voir sa variété et sa subtilité. Si vous regardez les proto-mythes qui se cachent derrière le 2 et le 3, vous obtenez l'idée gnostique d'un démiurge - un ange déchu qui s’érige en Dieu grâce à des règles oppressives. L’utilisation de cette véritable philosophie Chrétienne primaire et obscure comme mythe fondateur de son monde ne me paraît pas, à mon sens, anti-catholique, pas plus en tout cas qu’un film impliquant un mythe grec. Il a créé une série alternative dans un monde alternatif.

Autre idée importante : celle de la Felix culpa – l’idée que la Chute de l'homme n'est pas une mauvaise chose, mais une bonne. C'est un concept théologique médiéval, pensant la Chute comme l'occasion sans laquelle le Messie ne serait pas venu. Dans A la croisée des mondes, la Felix culpa est représenté par Lyra tombant amoureuse de Will. A nouveau, je ne vois pas comment on est plus anti-catholique en penchant pour une idée et pas l'autre. C’est vrai que Pullman prend la question de manière dogmatique et traite de l'abus de la religion par le pouvoir politique. Mais la critique du dogme s’applique beaucoup plus largement au catholicisme ou même à la religion toute entière ; et la dernière fois que l'Église catholique a directement exercée le pouvoir politique au niveau étatique, c’était pendant le Moyen Âge.

Autrement dit, je pense qu'une adaptation scrupuleuse de La Tour des anges et Le Miroir d’ambre ne serait pas anti-catholique. Ce qui pourrait paraître comme anti-catholique serait d’attaquer les croyances populaires, ce qui je pense ne ressort que lorsque les gens veulent appliquer leurs propres idées et explications à la trilogie - et donc au film, alors même qu'elles furent formulées en dehors du contexte des livres.

Question #7 (de Nakono) :

Mr. Weitz, qu’en est-il de la durée ? New Line envisage-t-il de faire une autre trilogie de films de 3 heures ? A quelle proportion du livre avez-vous dû couper pour respecter les limitations ?

Réponse :
Alors, je pense qu'il n'y a aucune règle qui stipule que les films d’une trilogie de fantasy doivent être plus longs qu’environ deux heures. J’ai toujours voulu amener le film aux alentours des deux heures. J’ai l’impression qu’il y a eu une série de films longuets gonflants leurs scénarios qui ont mené à cette mode. Je ne suis pas sûr que l’accueil pour ces films sera toujours aussi important. Si New Line était intéressé, j’aurais pu faire une version de La Boussole d’Or qui entre plus en profondeur (et en longueur). Je reconnais que cela aurait été d’un réel intérêt pour les fans du livre et les gens qui apprécient le film. L’idée était de raconter une histoire avec autant d’élan narratif que possible, en préservant un zeste de capacité à souffler et à réfléchir. Je conçois en fin de compte que tout réside dans le choix de couper ou de condenser le livre selon que vous voulez faire un film de deux ou trois heures.

  1. Le réalisateur de la Boussole d’Or Chris Weitz répond à vos questions, 1ère partie
  2. Le réalisateur de la Boussole d’Or Chris Weitz répond à vos questions, 2ème partie
  3. Le réalisateur de la Boussole d’Or Chris Weitz répond à vos questions, 3ème partie
  4. Le réalisateur de la Boussole d’Or Chris Weitz répond à vos questions, 4ème partie

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