Autre série poussée par Bragelonne récemment, bien qu’à un degré moindre que Lamentation, Le Cœur de gemme se livre à nous à travers un premier tome copieux, mais qui a pourtant de quoi nous refroidir dès les premières lignes. Ah, la « sorcellerie érotique », tout un programme, évidemment, serait-on tenté de dire, utilisé comme un ressort narratif dès le premier chapitre. Procédé un peu facile pour appâter le lecteur.
Heureusement, à mesure que l’on entre dans l’ambiance du roman et la mécanique propre à son univers, on s’apercevra que les choses sont nettement moins gratuites qu’en apparence. Et c’est tant mieux tant la chose doit être pratiquée avec doigté.
Au-delà de cette dimension « adulte » du traitement d’une telle intrigue, le duo débutant Carwyn et Fahnestock livre un premier roman convaincant, mais pas dénué de quelques scories que l’on espère voir disparaître par la suite.
L’univers en lui-même, dans la mesure de ce que les auteurs laissent entrevoir dans ce premier tome, semble complexe et réellement ambitieux, tout comme le récit lui-même, à l’image par exemple de la toute fin du roman. De même, malgré plus de 600 pages au compteur, les temps morts sont peu nombreux et on peut donc saluer la gestion du rythme et le sens du découpage du duo de leur récit étape par étape.
Il n’en demeure pas moins que le sans faute n’est donc pas de mise. La faute, notamment, à des dialogues, qui, s’ils sont parfois très réussis, vivants, tombent également un peu trop souvent dans le volet explicatif, avec la désagréable impression que les auteurs s’adressent directement, et maladroitement aux lecteurs. De fait, la personnalité même des protagonistes apparaît fluctuante, en dehors de toute évolution accompagnant logiquement le récit. De même, étant donné la certaine noirceur ambiante entretenue, certains atermoiements semblent quelque peu déplacés. Enfin, cette volonté de proposer une histoire riche et profonde donne aussi parfois l’impression d’un sentiment de trop-plein. Comme si certaines sous-intrigues n’avaient pas l’occasion de s’épanouir concrètement quand d’autres s’éternisent dangereusement, ou en tout cas, plus que de raison.
Il faut donc espérer que le vernis sexe, violence et manigances ne soit pas que cela sur la durée, un vernis. Car, par moments, lorsque l’éditeur cite comme point de comparaison Martin, Carey ou Gaborit, on aurait plutôt envie de remplacer le premier nommé par un autre auteur américain, Terry Goodkind !
Toutefois, n’exagérons pas. Bien que la notion de premier roman ne soit dans l’absolu ni une excuse ni une circonstance aggravante, L’Héritier de l’automne n’en reste pas moins une œuvre intrigante et qui se veut mature (à défaut de l'être toujours), malgré quelques clichés persistants mais détournés également avec une certaine habileté par instants.
A découvrir.
— Gillossen