Si les adaptations de Lovecraft se multiplient ces derniers temps dans différents médias, le manga restait jusqu’à aujourd’hui relativement épargné par ce phénomène. C’est surement pourquoi les éditions Ki-oon propose aujourd’hui aux lecteurs français une nouvelle collection, intitulée « Les chefs-d’œuvre de Lovecraft », qui s’ouvre avec cette première partie de l’adaptation du roman de H.P.L., « Les Montagnes Hallucinées » par le mangaka japonais Gou Tanabe.
Ce dernier n’est pas étranger à l’univers du maître de Providence, puisqu’il a proposé depuis 2014 différentes adaptations de l’œuvre de Lovecraft : un recueil, intitulé « Maken », regroupant "Le Temple", "Le Molosse" et "La Cité sans nom" ; « La couleur venue du ciel » en 2015 et « Celui qui hantait les ténèbres » et « Dagon » en 2016. « Les Montagnes Hallucinées » sont donc son dernier travail en date, et s'il est paru en quatre tomes au Japon, les éditions Ki-Oon nous le proposent en France dans deux ouvrages (tome 2 à paraitre le 10 janvier 2019) de fort belle facture, avec une couverture en simili-cuir qui rappelle la collection Stars de chez Bragelonne.
Alors que vaut cette adaptation ? On sait qu’il est difficile de mettre en image l’indicible si cher à Lovecraft, et beaucoup se sont cassés les pinceaux dessus. Gou Tanabe évite cet écueil avec un grand talent, et nous présente une histoire étouffante, oppressante, à l’opposé des grands paysages arctiques en double-page qui émaillent le manga. L’esprit original de la nouvelle est respecté, ainsi que la trame principale. La qualité du dessin contribue à l’immersion, et même quand les Anciens finissent par apparaître, la maîtrise du mangaka est telle qu’on discerne des formes sans vraiment les comprendre. Même le lecteur connaisseur de Lovecraft se laissera happer par le récit, et dévorera les presque 300 pages d’une traite. Et restera hanté pendant quelques temps par ces paysages désertiques mais sublimes, ces corps pétrifiés dans une horreur glacée et ces traces qui mènent vers ces montagnes noires où la folie guette…
Si vous n’avez jamais lu Lovecraft (est-ce encore possible de nos jours ?), cette adaptation constitue peut-être la meilleure porte d’entrée pour comprendre l’esprit de l’auteur, et se laisser prendre au jeu d’un récit d’exploration qui sombre peu à peu dans l’irréel. En tout cas, il s’agit là d’un indispensable pour tout amateur du « Mythe de Cthulhu », une franche réussite qui séduira même les plus réfractaires aux mangas.
Et n’oubliez pas : n’est pas mort ce qui à jamais dort…
— gilthanas