Source d'inspiration potentielle des célèbres tapisseries de La Dame à la licorne, cette histoire écrite par un auteur resté anonyme nous renvoie en effet loin dans le passé.
S'il est vrai que les amateurs de fantasy retrouveront bien des ingrédients qui font partie intégrante de nos codes, il faut bien avoir en tête que ce livre ne se lit pas comme un roman classique. Attendez ! Cette nouvelle version le rend toutefois tout à fait digeste. Inutile de devoir relire trois fois une phrase pour en comprendre le sens. La narration, tout comme le style adopté, sont limpides et le travail remarquable de Nathalie Koble est à saluer.
Cela dit, cette histoire répond aussi aux codes de son époque. Les transitions sont parfois abruptes, les difficultés se franchissent le plus souvent d'un claquement de doigts - ou presque - et le récit tout entier se pare bien entendu d'une dimension métaphorique évidente. Il n'en demeure pas moins que l'on prend plaisir à suivre cette histoire, qui, d'ailleurs, pour les amateurs, compte au fil des pages pas mal de séquences musclées. Il n'est pas seulement question ici d'amour courtois... même s'il occupe une part importante des aspirations des personnages.
Il faut aussi noter la très bonne préface de Léonor de Récondo (la postface se concentrant quant à elle à nous donner un aperçu du texte originel et de sa création). Préfacer ne constitue jamais un exercice facile et l'autrice parvient à se montrer à la fois pertinente et didactique, en abordant notamment l'imaginaire d'aujourd'hui, et notamment sur le plan de la fantasy, à travers la figure de la licorne, mais pas que, loin de là. L'imagination reste une donnée trop souvent balayée alors qu'elle mériterait bien une place centrale dans nos existences usées par le réel.
Projet pour le moins atypique qu'il fallait oser proposer, La Dame à la Licorne et le Beau Chevalier représente un objet littéraire singulier s'il en est. Tous les "amateurs de fantasy" n'auront pas de raison de se jeter dessus ou même de l'apprécier, et c'est tout à fait compréhensible (car il faut être sensible à ce type d'histoires), mais pour peu que vous plongiez sans hésitation dans ce 14e siècle fantasmé, voilà un voyage qui devrait vous emporter avec lui sur une route semée d'embuches.
Oyez, oyez ! La Dame à la Licorne et le Beau Chevalier se révèle mine de rien beaucoup plus actuel qu'il n'y paraît.
— Gillossen