Avec Blasfamous, Mirka Andolfo, l'autrice de Mercy, entre autres, nous livre une satire mordante où la musique pop et la religion s'entrelacent dangereusement. Ici, les stars sont littéralement vénérées comme des divinités.
De fait, la frontière entre le sacré et le profane est floue. Les pop stars, comme Clelia, sont adorées par des foules qui les considèrent comme des figures divines. Une vénération est exploitée par des entités surnaturelles, notamment des démons, qui tirent leur pouvoir de cette adulation. Clelia, la reine incontestée de la pop, voit son trône menacé par une nouvelle venue mystérieuse, ce qui met en péril son statut et son influence.
Mais Blasfamous ne se contente pas de raconter une histoire fantastique ; l'album offre une réflexion sur notre société actuelle, en dénonçant sans détour la marchandisation de la foi et la transformation des figures religieuses en produits de consommation, à l'image même de son titre. Le personnage de Clelia symbolise à elle seule cette fusion entre spiritualité et spectacle mercantile.
Clelia, justement, est loin d'incarner une héroïne traditionnelle. Elle est à la fois victime et complice d'un système qui l'a élevée au rang de déesse. Son agent, le Père Lev, incarne en bonne partie la duplicité et l'ambivalence qui va de pair, agissant à la fois comme guide spirituel et manager impitoyable. Leur relation illustre les tensions entre foi sincère et exploitation cynique. Les autres personnages ne sont pas en reste, notamment du côté des démons... mais pas seulement. Le passé s'avère aussi une clé importante pour comprendre les subtilités d'une intrigue plus profonde qu'il n'y paraît.
La patte de Mirka Andolfo est quant à elle immédiatement reconnaissable. Les illustrations, riches en détails et en couleurs vives, renforcent l'atmosphère à la fois glamour et vénéneuse de l'histoire. Chaque page explose de couleurs, mais Andolfo ne fait pas que dans le glamour, loin de là, et je ne parle pas que de ses dialogues. Tout n'est pas que pop acidulée dans ce monde, c'est même le moins que l'on puisse dire.
Malgré tout, si Blasfamous s'affirme par son concept original et son esthétique, certains aspects de la narration peuvent sembler un peu moins maîtrisés. La progression de l'intrigue est parfois entravée par quelques détours un peu bavards, qui ralentissent le rythme. Dans le même ordre d'idées, certaines thématiques, bien que pertinentes (il est aussi question de santé mentale par exemple), auraient gagné à être explorées plus en profondeur. Était-ce le sujet de l'album ? Non, mais elles en font partie.
Pas de quoi bouder notre plaisir pour autant ! Difficile au bout du compte de ne pas se laisser emporter par le tourbillon d'émotions et de rebondissements que nous livre l'autrice sur un plateau, sans même parler de l'originalité de ton de sa proposition. Avec cette histoire prenante aux figures tour à tour fantasques ou touchantes, l'autrice fait mouche.
— Gillossen