La Dame Renard

La Chine, au début du XXe siècle, connaît une période compliquée. Le pays traverse une crise profonde, politique, économique et sociale. C’est dans ce contexte que se déroule l’histoire de la Dame Renard, roman qui s’articule en deux récits croisés, celui de Neige, la fameuse dame renard, et celui de Bao, un détective privé qui enquête sur la mort d’une jeune femme.
Neige, la renarde, est profondément meurtrie, prisonnière du deuil impossible de sa fille et en quête de vengeance. Bao, professeur retraité d’une soixantaine d’années, nourrit de la curiosité à l’égard des renards et s’interroge sur certains faits survenus dans son enfance. Deux personnages différents, deux parcours qui n’ont pas grand-chose en commun, mais l’un et l’autre savent capter l’intérêt du lecteur, et l’on a plaisir à naviguer entre les deux récits. La voix de Neige, toutefois, prédomine, puisqu’elle parle plus longuement et à la première personne (au passé), là où Bao est évoqué en chapitres plus brefs, à la troisième personne (au présent). Chez les deux, on trouvera des éléments de l’histoire de l’autre, qui permettent de compléter les informations en possession du lecteur.
À travers le récit de Neige, il sera également question de la place des femmes dans la société chinoise à cette époque et du comportement des hommes à leur égard. Seront aussi abordées les conséquences de la pauvreté, qui concerne alors de très nombreuses familles. Bao, pour sa part, permettra notamment d’évoquer le fonctionnement familial.
Le style, assez simple et qui donne l’impression parfois d’une certaine retenue, sert plutôt bien l’histoire. Il n’y aura pas de formules alambiquées ou d’avalanches d’adjectifs, mais cela souligne d’autant plus les émotions des personnages. Car il y a une part d’intime non négligeable dans ce roman. Après tout, c’est la soif de vengeance de Neige qui lui sert de moteur. Il s’agit pour elle de survivre au-delà du gouffre béant creusé par la mort de sa fille, de trouver comment vivre malgré la douleur insondable. Et c’est loin d’être simple.
Bao, de son côté, remontera en parallèle de son enquête le fil de ses souvenirs d’enfance, et si ses émotions sont moins brûlantes que celles de Neige, elles ne sont pas absentes pour autant.
À l’approche de la fin du roman, la tension monte, les événements se précipitent, la traque et l’enquête s’achèvent. Les deux récits se rejoignent, avant de bifurquer à nouveau, pour offrir à chaque personnage sa propre conclusion – dans des saveurs douces-amères.
La Dame Renard tient du conte moderne, en ceci qu’il mêle une figure de la matière légendaire chinoise à une réalité plus tangible que, mettons, un Moyen Âge fantasmé. Ici, le cadre a le goût prononcé du réel, et le pas de côté vient de Neige, qui s’inscrit en décalage avec les humains : elle a beau les fréquenter, elle en est différente, et c’est aussi ce qui lui permet une autre lecture du monde. Car s’il est bien question d’une traque, elle passe parfois au second plan, et c’est là que se déploie le récit. Cela contribue à la tonalité particulière du roman, et à son charme.