Difficile de prendre la succession de Roger Zelazny, c'est le moins que l'on puisse dire ! Un tel monument, véritablement adulé par ses fans, est irremplaçable, et lorsqu'il s'agit qui plus est de toucher à son œuvre la plus célèbre et la plus appréciée, Ambre...
C'est pourtant le pari de John Betancourt. Mu par une motivation plutôt douteuse (il prétexte en effet que sans nouveaux romans, on oubliera Zelazny en 20 ans...) mais avec l'accord des héritiers, il nous livre sa vision de la génèse d'Ambre. Et c'est bien là que le bât blesse : l'histoire imaginée par l'auteur peut bien se révéler tout à fait plausible, acceptable, ce n'est jamais qu'une interprétation personnelle, sans plus de légitimité que la vôtre ou la mienne. Elle n'est pas basée sur d'éventuelles notes de Zelazny retrouvées par hasard (lui qui avait d'ailleurs plusieurs fois affirmé qu'il ne voulait pas que d'autres que lui écrivent dans cet univers), seulement sur les idées ou les intuitions de Betancourt.
Toutefois, il est indéniable que celui-ci ne ménage pas ses efforts pour "faire du Zelazny" ! Narration à la première personne, phrases courtes, importance des dialogues, humour... La différence saute rapidement aux yeux malgré tout. Le phrasé est moins fluide, le style nettement moins nerveux. Certaines pensées du jeune Oberon sonnent faux, ou creux. Dommage alors qu'il s'agit donc de notre narrateur !
La structure rappelle également les ouvrages précédents, dans son déroulement, ses mystères soigneusement entretenus. Mais là encore, un manque se fait lancinant, une once de subtilité, de sophistication. Un sentiment de copie besogneuse, mais quoi qu'il arrive maladroite et ne parvenant jamais à hausser la mesure.
On s'en rend donc compte assez aisément, si ce roman ne bénéficiait pas du cadre de l'univers d'Ambre, il n'aurait pas grand chose pour lui. Ce sont bien ses retrouvailles avec le Logrus, les Ombres, les Atouts, etc, qui nous font tourner les pages, plutôt vite d'ailleurs. Car une fois lancée, l'intrigue se montre tout de même moins empruntée, avouons-le.
Ce prélude demeure néanmoins une curiosité, bien plus qu'un roman indispensable...
— Gillossen