Pari réussi pour Édouard Brasey !
L’auteur explique en introduction avoir voulu retranscrire ces légendes germaniques par le biais du roman, et de ce fait, déjouer un certain nombre de clichés et d’idées préconçues sur leurs personnages et leur univers.
Cycle prévu en quatre tomes et finalement conclu en trois volumes, La malédiction de l’anneau prend le temps de poser son récit, étape par étape, sans précipitation, laissant un souffle épique s’instaurer petit à petit. C’est un véritable plaisir de redécouvrir Odin, Loki, Brunehilde, Freya et les autres, hommes ou dieux, dans les deux cas créatures faillibles par excellence.
On sent tout le poids des recherches effectuées par l’auteur : pour ne rien apprendre au cours de cette lecture de près de 900 pages, il faudrait vraiment être un spécialiste dans ce domaine propice à mille interprétations.
Mais il ne s’agit pas seulement de faire œuvre de pédagogie, si l’on peut dire : Edouard Brasey propose un véritable roman, et non pas un atlas ou une encyclopédie. Grâce à une plume dynamique et claire, qui sait éviter les envolées lyriques inutiles sans tomber dans le fonctionnel, difficile de ne pas entrer dans cette histoire en quelques pages.
Seuls certains dialogues, au charme désuet, évoquent l’origine millénaire de ses légendes, et on ne peut guère qualifier cela de défaut, bien au contraire. C’est même là encore une véritable satisfaction, et un plus.
Ici, les Dieux eux-mêmes comptent leur lot de failles, des failles parfois tristement humaines, et Odin en personne nous paraît loin d’être inaccessible. Magie, amour, fureur, déchirements en tous genres… Au milieu de toute cette folie, Brunehilde doit composer avec un destin contrarié, qui se retrouve évidemment au cœur de ce roman. Là encore, attendez-vous à voir certains clichés voler en éclats !
Nul opportunisme en vue donc, mais une belle entrée en matière que l'auteur a su transformer en réussite au détour des tomes 2 et 3. Édouard Brasey signe un ouvrage fort, soigné, et qui renoue avec panache avec des mythes fondateurs qui font encore écho aujourd’hui. Seul petit regret, une émotion parfois étouffée par une prose presque trop propre et un souci du détail peut-être un peu trop déférent par instants, qui donne parfois l'impression d'une réécriture scolaire.
Même si le fait de connaître cette saga dans ses grandes lignes joue sans doute dans cet état de fait, on regrette que certains évènements n'aient pas un soupçon d'âme en plus.
Mais il s'agit aussi probablement d'une preuve de modestie de la part de l'auteur justement, qui préfère le plus souvent s'effacer derrière le poids du destin et de son récit écrit d'avance, et dont il serait difficile de ne pas saluer quoi qu'il en soit l'ampleur du défi relevé.
Dans tous les cas, cette intégrale, réunissant Les Chants de la Walkyrie, Le Sommeil du dragon et Le Trésor du Rhin n'en demeure pas moins une initiative fort bienvenue !
— Gillossen