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La parole aux maisons d’édition - 2024, nous voilà !

Par Gillossen, le vendredi 12 avril 2024 à 10:00:00

Le Rayon imaginaire - Brigitte Leblanc

2024

Alors que 2023 est derrière nous, quel serait votre premier bilan, à chaud, concernant votre maison ou même la situation globale ?
En 2023, Le Rayon imaginaire a soufflé sa deuxième bougie. La collection est toute jeune encore, elle avance petits pas comptés et s’efforce de proposer des imaginaires libres, des romans et des voix choisis avec une subjectivité assumée pour leur saveur non substituable et leur qualité littéraire, c’est une construction qui se fait un titre après l’autre.
Le bilan principal de 2023, c’est que la collection s’est installée chez les libraires, qu’on la « reconnaît », grâce à sa cohérence graphique et à ses livres, et que c’est très encourageant. Maintenant, il faut construire sur ce début de confiance, cela m’engage. Certains titres ont su trouver le chemin des lecteurs, d’autres sont passés plus inaperçus, c’est le lot de notre métier de paris, mais je suis fière de chacun de mes « bébés » – avec une mention spéciale pour Sauvage, le premier roman inclassable de Joan Mickelson, si bien défendue ici-même ! (On le trouve toujours dans les bonnes librairies, n’est-ce pas, comme tous les autres qui ont jalonné l’année : Le programme Lazare, de Brice Reveney, Les Oiseaux du paradis, d’Oliver Langmead, La Reine du Pays-sous-la-Terre de David Duchovny, Le Golem, de Meyrink traduit par Éric Faye, les Contes fracturés d’Alix E. Harrow, Le Trône de Jasmin de Tasha Suri : les livres ne disparaissent pas aux 12 coups de minuit du 31 décembre ! Ils doivent continuer à vivre, à se répandre, à faire parler d’eux. Les choix de 2024 n’ont pas vocation à « remplacer » ceux de 2023, mais à ajouter des petites pierres à l’édifice fragile d’un catalogue.
Avez-vous retenu un événement ou une décision particulièrement marquants ? On songe aux incertitudes du marché, entre explosion de la romantasy et éditeur bien connu dans la sphère Imaginaire à deux doigts de disparaître. Mais il peut s'agir d'autre chose, évidemment !
Il aurait fallu être aveugle et sourd pour échapper à la tornade Romantasy, mais qui suis-je pour la juger ou estimer sa durée ? J’en prends acte, je vois qu’elle se déploie en parallèle de la Romance et de la Dark Romance, en littérature « non imaginaire », adulte comme jeunesse. Le monde a besoin d’amour ? Ou est-ce seulement une nouvelle appellation très bien marquetée pour des récits qui ont toujours existé ? Je ne sais pas, mais suis certaine d’une chose : le « genre » en lui-même n’est rien, c’est l’écriture qui compte. Alors sous cette étiquette de « Romantasy », j’espère lire petit à petit toutes sortes de voix, toutes sortes de formes, les plus libres possibles, les plus imaginatives, aussi les plus talentueuses… car la littérature, n’est-ce pas aussi s’emparer d’une lame de fond pour en faire un élixir précieux ? Regardez, Boris Vian a surfé sur la vague du polar américain à trois sous, en plein déferlement en France en 1946, pour écrire J’irai cracher sur vos tombes… Alors je reste ouverte à tout.
Ce qui me frappe aussi, et me réjouit, c’est à quel point les frontières s’estompent, l’imaginaire se dilue partout, les lectorats s’ouvrent… la magie de l’invention pure, le plaisir de raconter des «bonnes histoires », le mantra de Nabokov (« Great stories are great fairytales ») gagne tous les éditeurs et la « littérature blanche » s’ouvre, emprunte de nouveaux sentiers. Tant mieux, à bas les petits mondes clos, à bas les étiquettes, j’adore ! Qui s’intéresse un peu au Rayon imaginaire sait que c’est ma seule boussole.
Quelle place pour la fantasy dans votre programme 2024 ?
La Fantasy (encore une étiquette n’est-ce pas ?) a toute sa place dans le Rayon imaginaire, encore une fois parce que tous les genres y ont leur place, et de préférence de la façon la plus libre, la moins « formatée » possible. Je fais confiance à l’intelligence du lecteur pour sentir si les choix faits, ici ou là, peuvent faire vibrer une corde chez lui. Trois textes très différents cette année, dont le point commun est de proposer des héroïnes différentes, complexes, traversées de force et de faiblesses – si profondément humaines : mi mai, 'Les Possédées, un tout premier roman signé d’une jeune pousse néerlandaise prometteuse, Johanna van Veen, viendra ajouter ses épines sanglantes d’horreur à la collection. Des esprits-compagnons, des revenants, une narration en contrepoint à deux voix, et la finesse d’une histoire surprenante, dont les roses sont le motif central.
Fin mai, L’Épée de Laurier-rose, suite du Trône de jasmin, de Tasha Suri, paraîtra pour les Imaginales, dont elle est une des invitées. Il se passe quelque chose d’inattendu au royaume d’Ahiranya : les yakshas se Réveillent, les Eaux immortelles ouvrent les cœurs pour que des fleurs y poussent. Entre le pouvoir qui corrompt et l’amour qui unit, les personnages seront déchirés. Ce deuxième tome déploie avec maestria ses intrigues complexes pour nous parler aussi de ce que c’est que s’affranchir et de tracer sa propre voie, une parole d’émancipation sur fond d’épopée mythologique indienne, qui traite aussi de façon subtile de décolonisation.
Enfin, en octobre, Alix E. Harrow, la « bonne fée-marraine » du Rayon imaginaire, fera son retour avec Starling House, un roman qui connaît déjà des débuts fracassants aux États-Unis. Une maison fascinante animée de conscience et de vie, qui choisit son propre Gardien ; une porte d’entrée sur les ténèbres qu’il faut maintenir fermée au nez des Bêtes qui les peuplent ; un récit fondateur qui est un livre et crée une réalité différente… tous les thèmes qui traversent l’œuvre de cette auteure sont là, dans une allégorie de la Belle et la Bête très, très surprenante.
Enfin, quel sera votre plus grand défi pour cette nouvelle année ?
Mon défi est de réussir à très bien traduire une incroyable saga de fantasy coréenne, qui sera ma grosse actualité de 2025. L’oiseau qui boit des larmes, écrit par Lee Youngdo, le « Tolkien coréen », succès phénoménal dès sa parution il y a 20 ans (600 000 exemplaires vendus en Corée), devenu un classique… et inconnu ailleurs. Un auteur majeur pour un imaginaire formidablement différent, au souffle épique unique. L’Italie, les Pays-Bas, l’Allemagne, l’Angleterre, les États-Unis, l’Espagne, le Brésil, la Turquie, le Japon, Taïwan, l’Ukraine, la Croatie et j’en oublie, eux aussi, vont la faire découvrir, cette année et la suivante, c’est vraiment « l’événement de Fantasy » du moment. Mais faire traduire du coréen est une vraie aventure… et je ne suis pas au bout du chemin !
(Ah, et aussi : souffler, de temps en temps. Et profiter. Et conserver le temps de lire les romans fabuleux, de toute nature, qui paraissent ici et là, et pas uniquement en imaginaire surtout… un défi et une nécessité vitale.)

Propos recueillis et mis en forme par Emmanuel Chastellière.

  1. Albin Michel Imaginaire - Gilles Dumay
  2. Le Bélial' - Olivier Girard
  3. Aux forges de Vulcain - David Meulemans
  4. Argyll éditions - Xavier Dollo et Simon Pinel
  5. Denoël Lunes d'Encre - Pascal Godbillon
  6. Le Livre de Poche - Paul-Etienne Garde
  7. Folio SF et Fantasy - Pascal Godbillon
  8. Les Nouvelles éditions Actusf - Jérôme Vincent
  9. Les éditions Scrineo - Jean-Paul Arif
  10. Les éditions du Rouergue - Olivier Pillé
  11. Les éditions Oneiroi - Camille Ragot
  12. Les éditions 1115 - Frédéric Dupuy
  13. J'ai Lu et Nouveaux Millénaires - Quentin Monstier
  14. Les éditions Rageot - Murielle Couëslan
  15. Les éditions Pygmalion - Florence Lottin
  16. Les éditions Critic - Eric Marcelin
  17. Les éditions Mnémos - Nathalie et Frédéric Weil
  18. Le Rayon imaginaire - Brigitte Leblanc
  19. Les éditions Callidor - Thierry Fraysse

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