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La parole aux maisons d’édition - 2024, nous voilà !

Par Gillossen, le vendredi 12 avril 2024 à 10:00:00

Le Bélial' - Olivier Girard

2024

Alors que 2023 se termine à peine, quel serait votre premier bilan, à chaud, concernant votre maison ou même la situation globale ?
En ce qui nous concerne, les volumes de 2023 sont globalement similaires à ceux de 2022. Un peu plus de numérique (qui pèse aujourd’hui 7% de notre CA), un poil moins de ventes en libraires (on progresse chez les indés, mais on baisse en Fnac), une légère augmentation de la VPC. Notre taux de retours a baissé de 2 points, et les réassorts (le fonds) pèse aujourd’hui chez nous deux fois plus que la mise en place des nouveautés. Pour, au final et comme je viens de le dire, une année 2023 dans les clous de l’année précédente, et une situation générale très saine. Si on compare à 2019 (qui est pour moi l’année de référence, les années Covid de 2020 et 2021 étant hors normes), nous faisons 20% de plus. Personnellement, bien au-delà des plus et des moins, je mesure le bon état d’une maison indépendante à sa capacité à financer son projet éditorial en toute sérénité, en toute liberté. À ce titre, Le Bélial’ est une maison très libre et très sereine.
Avez-vous retenu un événement ou une décision particulièrement marquants ? On songe aux incertitudes du marché, entre explosion de la romantasy et éditeur bien connu dans la sphère Imaginaire à deux doigts de disparaître. Mais il peut s'agir d'autre chose, évidemment !
Mes réponses sont dans ta question. La fin d’ActuSF, qu’on voyait arriver depuis longtemps (je me suis longuement exprimé sur ce sujet dans l’éditorial de Bifrost n°118 — qui a provoqué pas mal de réactions) a été un séisme dans le petit monde de l’édition de genres. Sa renaissance sous une autre forme et dans une version bien plus « light » (moins de titres, beaucoup moins de diffusion et de distribution, etc.) suscite un certain nombre de questions… La première vertu (la seule ?) de cette péripétie, c’est qu’elle souligne l’extrême fragilité des maisons indépendantes. Les maisons spécialisées signifiantes sont toutes apparues ou presque dans les années 1990/2000. La question qui se pose à nous désormais, c’est combien en restera-t-il à la fin de la décennie 2020 ? L’épisode ActuSF nous rappelle le caractère aigu, impérieux, de cette question. Le dynamisme en Imaginaire se situe chez les indépendants depuis une trentaine d’années. Si les indés sont menacés, c’est l’Imaginaire qui est menacé, et d’abord et avant tout la science-fiction, qui représente, comme chacun sait, notre intérêt premier au Bélial’. C’est une vraie question, et l’épisode ActuSF doit nous alerter. Ou en sont les autres indépendants ? Comment vont-ils ? Je doute que les déboires de la maison chambérienne soient un cas isolé…
Quant à la romantasy, en ce qui me concerne, c’est un épiphénomène marketing. Il fait beaucoup de CA, certes, mais il concerne un public qui n’est pas celui du Bélial’, et produit une littérature qui ne m’intéresse pas dans 95 % des cas. Il y a dix-quinze ans, tout le monde ne parlait que de la bit-lit’, qui ne m’intéressait pas davantage. Où est la bit-lit’ aujourd’hui, si ce n’est dans les marges de la romantasy (à moins qu’on ne considère la romantasy comme une bit-lit revêtue d’atours plus amples, ce qui peut aussi sans doute s’entendre) ? Bref, on verra bien dans 10 ans… En revanche, on ne peut nier les conséquences de pareil phénomène marketing. D’abord, il bouleverse les rayons spécialisés en librairies (comme l’avait fait la bit-lit’) en grignotant la place dévolue aux genres historiques (la fantasy, surtout, mais pas que), et aussi, curieusement, à la littérature étrangère et au polar. Un souci circonstanciel, mais qui a des répercutions bien réelles, notamment sur les mises en place. À terme, les structures qui sont nées avec ce sous-segment, ont fait beaucoup d’argent avec, et ont de fait énormément grossi, devront se réinventer quand ledit sous-segment s’essoufflera (on a vu ce que ce phénomène pouvait donner avec Bragelonne, par exemple). Que feront les éditions De Saxus ? Où investiront-elles leur énorme manne financière ? Enfin, ce phénomène, qui s’est beaucoup cristallisé sur un public féminin avide de livres collectors, est en train d’imposer un marché du livre relié en France, ce qui est une manière de retour amusant. Faire de beaux objets, c’est sympa, et tout le monde s’y met, pour peu que ça puisse plaire à un public essentiellement féminin, encore une fois (Le Bélial’ s’y collera aussi, d’ailleurs, mais avec parcimonie, et uniquement pour faire vivre son fonds, comme nous le faisons déjà avec la collection « Kvasar », mais en allant plus loin dans la fabrication). Le souci, c’est qu’un objet, aussi beau soit-il, ce n’est pas de la littérature. Bref, les conséquences de ce genre de raz-de-marée marketing se jauge à de multiples niveaux — et avec un peu de recul. Car comme pour tout raz-de-marée, arrive un moment où les eaux refluent.
Quelle place pour la fantasy dans votre programme 2024 ?
Très maigre (désolé). Pas en qualité, bien entendu, mais en quantité. Dans le registre de la fantasy stricto sensu, je ne vois guère que L’Éveil du Palazzo, de Léo Henry, un magnifique récit de fantasy urbaine dans le style unique et inventif de Léo, un auteur que ne cesse décidemment de surprendre — la vraie magie, elle est là ! Sinon, dans une acception plus large, on pourrait évoquer un récit de Thomas Day dans la collection « Une heure-lumière », ou, dans cette même collection, Kid Wolf et Kraken Boy, de Sam J. Miller, une magnifique histoire d’amour entre deux hommes dans le milieu de la boxe du New-York du début du XXe siècle, où les tatouages sont porteurs d’étranges pouvoirs… J’ai bien peur que ce soit tout.
Enfin, quel sera votre plus grand défi pour cette nouvelle année ?
J’ai rêvé Le Bélial’ et imaginé une revue qui ne s’appelait pas encore Bifrost à l’âge de 20 ans. J’ai créé tout ça à 25. L’année 2024 sera celle de mes 53 piges : et je compte bien la franchir avec le même enthousiasme, et une passion sans cesse réinventée. Ça me semble déjà pas mal, comme ambition…

Propos recueillis et mis en forme par Emmanuel Chastellière.

  1. Albin Michel Imaginaire - Gilles Dumay
  2. Le Bélial' - Olivier Girard
  3. Aux forges de Vulcain - David Meulemans
  4. Argyll éditions - Xavier Dollo et Simon Pinel
  5. Denoël Lunes d'Encre - Pascal Godbillon
  6. Le Livre de Poche - Paul-Etienne Garde
  7. Folio SF et Fantasy - Pascal Godbillon
  8. Les Nouvelles éditions Actusf - Jérôme Vincent
  9. Les éditions Scrineo - Jean-Paul Arif
  10. Les éditions du Rouergue - Olivier Pillé
  11. Les éditions Oneiroi - Camille Ragot
  12. Les éditions 1115 - Frédéric Dupuy
  13. J'ai Lu et Nouveaux Millénaires - Quentin Monstier
  14. Les éditions Rageot - Murielle Couëslan
  15. Les éditions Pygmalion - Florence Lottin
  16. Les éditions Critic - Eric Marcelin
  17. Les éditions Mnémos - Nathalie et Frédéric Weil
  18. Le Rayon imaginaire - Brigitte Leblanc
  19. Les éditions Callidor - Thierry Fraysse

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