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Colloque international sur Tolkien, Rambures 2008

Par Foradan, le jeudi 17 juillet 2008 à 22:15:58

Des femmes, des Nains, la création d'une mythologie et l'histoire littéraire

XVIII Les femmes du SDA, de Tolkien à Jackson – M. Burkhardt

En tenant compte des différences inhérentes à chaque support, l'effort de construction, d'imagination créé par les lectures et relectures contre l'immédiateté des images projetées, voici une étude sur le traitement des figures féminines sur papier et à l'écran.

  • Arwen, dans le livre, est aussi sédentaire que les autres, n'apparaissant que fugitivement, en filigrane, et le lecteur ne la découvre vraiment qu'en lisant les Appendices.
    Dans le film, au contraire, elle se voit confier le rôle de Glorfindel lors de la dernière étape avant Fondcombe, libère les flots de la Bruinen en lieu et place d'Elrond, se montre supérieure à Grand-Pas le Rôdeur sur son propre terrain : ceci a pour effet d'apporter un attrait pour le public masculin et de justifier son mariage avec Elessar le Roi des Hommes. Comment, en effet, faire comprendre les liens qui unissent l'héritier d'Isildur et la petite-fille de Galadriel sans surcharger la trame du film en y insérant les Appendices, et faire accepter qu'Aragorn puisse renoncer à l'amour d'Eowyn pour un personnage à peine entrevu ? Le film fait le parti pris de changer le rôle et le statut d'Arwen, la faisant rebelle à son père, victime du mal ténébreux, comme moteur de l'action : de protégée, elle devient guerrière, de tisseuse de la bannière royale elle devient l'instigatrice de la renaissance d'Anduril.
  • Galadriel, comme son nom l'indique, est un symbole d'une lumière d'or et d'argent, ainsi qu'une mémoire des temps anciens, éthérée, évanescente, maîtresse d'un enclos protégé ; le film lui donne une assise physique plus présente, plus intégrée dans le monde, encore que ça ne soit pas aussi flagrant tout au long de ses apparitions.
  • Eowyn reste confinée à Edoras, comme régente, pendant que Theoden part au Gouffre de Helm, puis à Dunharrow, on ne la voit se déplacer qu'une fois déguisée, non plus femme, mais vierge guerrière froide vêtue de blanc, comparée à du métal, mettant de côté sa propre féminité pour infiltrer le combat des hommes. Là encore, elle fait le chemin vers le Gouffre, puis vers Dunharrow, ne reçoit jamais la mission de régence "sédentaire", on la voit mauvaise cuisinière et habillée de brun, comme le reste de son peuple. Une fois partie en guerre, elle est immédiatement identifiée et prend peu de soin de se dissimuler au sein de la troupe.
  • Les ents-femmes sont totalement absentes du film et Rosie Chaumine est encore celle qui a été le moins modifiée.

En somme, là où le livre fait des femmes des valeurs protectrices, des repères fixes garant de force et de stabilité, le film augmente leurs capacités guerrières, leur mobilité, mais aussi leurs faiblesses (selon l'idée qu'il est plus confortable de les savoir à l'abri que de courir le danger sur les routes de la guerre, ce dont l'Ennemi peut faire une arme).

XIX De l'hétéronomie radicale à l'homonomie relative : évolution et permanence de la figure des nains dans le légendaire. – E. Flieller

Les nains ont toujours été présents dans les écrits de Tolkien, mais leur statut a considérablement évolué au fil des années. Ceci dit, les nains restent, par nature "autres, étrangers", à ce point que même des études renommées les oublient, allant jusqu'à omettre Gimli fils de Glóin parmi le recensement des "elf-friends". Au tout début de l'écriture du Silmarillion, tel qu'on le voit dans HoMe 1 et 2, les nains passent de créatures maléfiques à un statut d'êtres "neutres" dans HoMe 3 et 4, affiliés à Aulë dans HoMe 5 (à l'époque d'écriture du Hobbit), puis considérés comme faisant partie des peuples libres dans Le Seigneur des Anneaux (HoMe 6 à 9 et le Silmarillion final de HoMe 10 à 12). Parmi tous les a priori sur les Nains, on trouve leur classement entre hommes et bêtes, parmi les êtres de la terre, pour ainsi dire, des êtres proches des esprits défunts, vivants dans des demeures souterraines, producteurs, mais se reproduisant si peu qu'on racontent qu'ils sont enfantés par la terre.

Même peuple "ami" dans le Hobbit, les Nains ne sont pas apparentés aux elfes et aux humains, les Enfants d'Ilúvatar et peuvent évoquer le golem (élément terrestre sans esprit par usurpation du pouvoir du Créateur), mais leur parenté avec Aulë les rapprochent des Noldor, malgré leur langue étrange et étrangère. Ce statut du "nain errant" en diaspora permanente apparaît nettement quand on note la comparaison que Tolkien fait parfois avec les Juifs. Quand au sort des Nains après leur trépas, contrairement aux Eruhíni, il est hors du temps, il faudra attendre la guérison d'Arda pour que le Peuple de Durin participe à sa reconstruction, comme co-agents d'Eru. L'altérité du Nain permet aux elfes et aux hommes de prendre conscience d'eux-mêmes et de se repérer.

XX Tolkien : ancêtre de lui-même – A. Larue

Comment devenir soi-même créateur de la mythologie de son pays ? Tolkien n'est pas un cas isolé, il y a eu des tentatives en Norvége, en Ecosse, ainsi que le Kalevala, par le biais de collectes de contes populaires et d'une littérature intégrée en transformant l'oral en écrit et en cherchant les légendes dans les espaces les plus reculés (et supposément les plus purs). Entre la découverte d'un conte et son élévation dans l'histoire, il faut créditer historiquement la fiction : créer les fragments d'un mythe fondateur par une recréation linguistique (notamment) afin de créer des "preuves historiques", plus le fond est épais, plus la véracité est probante. En Norvège, le nationalisme romantique relance une littérature nationale en résistance à l'occupation danoise. En Ecosse, c'est une tentative de retour aux sources d'une religion ancienne préchristianique basé sur une histoire ancienne. Le procédé est celui d'un récit documenté et fictionnalisé, profitant de la puissance heuristique du faux structuré.

XXI Tolkien et l'histoire littéraire : l'aporie du contexte.- I. Pantin

Le fait du film de Peter Jackson permet l'expérience d'un nouveau monde, rendant presque la lecture superflue ; cependant, la relecture protège un livre du risque de disparition. Mais malgré son succès, malgré le film, Tolkien ne trouve pas facilement sa place dans l'histoire littéraire ; entre mythes et modernités, les historiens littéraires peinent à le cataloguer, le genre étant assez limitatif. Mais la littérature, en tant qu'étude, est fragile : que vaut l'histoire littéraire si l'on méconnaît Tolkien, que faut-il pour que Tolkien devienne un sujet d'agrégation ?

  1. Des dragons et de l'espoir.
  2. De la fatigue à Wagner, en passant par une curiosité
  3. De l'influence sur la fantasy, un peu de symbolisme, une pincée de hobbit et un dé 20.
  4. D'une perspective, de la tentation, un détour par le narcissisme avant de découvrir Gandalf
  5. Héroïsme, tripartisme, dark fantasy et intertextualité
  6. Des femmes, des Nains, la création d'une mythologie et l'histoire littéraire

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